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rassemblement national

  • Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !

    « Le majordome de Jean-Marie Le Pen avait-il le droit d'être payé par les contribuables français ? » (Gilles Bouleau à Marine Le Pen, Journal de 20 heures, le 31 mars 2025 sur TF1).



     

     
     


    La question du journaliste Gilles Bouleau le 31 mars 2025 au journal de 20 heures de TF1 posée à la présidente du groupe RN à l'Assemblée Marine Le Pen était pertinente. Mais il aurait fallu aller un peu plus loin, car les réactions du RN, de colère bien normale après l'annonce de la multicondamnation de la leader du RN et de ses proches, semblent complètement inverser les rôles. Dans cette affaire, Marine Le Pen n'est pas une victime (supposée victime du "système" dans lequel elle s'est complètement acclimatée à tel point qu'elle a tenté d'en profiter au maximum), mais une coupable. Une coupable qui a été condamnée en première instance. La victime, dans cette affaire, c'est le peuple français, ce sont les contribuables français à qui on a spolié leur contribution financière à la nation.

    Et je suis désolé de l'écrire, mais Marine Le Pen a été condamnée pour des détournements de fonds public à hauteur de 4,1 millions d'euros, ce n'est pas rien. Ce n'est pas 200 000 euros, 500 000 euros, mais 4,1 millions d'euros : combien de restos du cœur, combien d'opérations pièces jaunes peut-on avoir avec 4,1 millions d'euros ? Je ne fais que poser sa question du 9 février 2004 sur France 2, je n'insiste pas sur l'argent volé aux Français !

    Je suis un peu inquiet de la tournure du débat public à propos de cette condamnation car j'ai l'impression qu'on la classe politico-médiatique ne s'est arrêtée que sur la peine complémentaire de cinq années d'inéligibilité assortie d'une exécution provisoire, ce qui va peut-être l'empêcher de se présenter à la prochaine élection présidentielle.


    Attention, je suis bien conscient tant de la gravité de cette peine complémentaire et de ses conséquences sur la vie démocratique de notre pays. Une candidate qui ferait actuellement autour d'un tiers des sondés dans les sondages d'intentions de vote pour le premier tour d'une élection présidentielle qui se trouve empêchée de se présenter est un véritable problème, c'est l'évidence, et surtout, un véritable événement politique, sans doute aussi grave et historique que la dissolution du 9 juin 2024 ou la censure du gouvernement du 4 décembre 2024.

    Mais à qui la faute ? Au système dont elle a nettement profité jusqu'à plus soif ? Aux méchants juges qui n'ont fait que leur travail honnêtement en se basant sur les lois qu'ils n'ont pas rédigées ni votées et sur les faits délictueux qu'ils ont établis sans laisser planer aucun doute ? Ou à l'ancienne présidente d'un parti vorace qui a voulu utiliser l'argent public pour faire fructifier son affaire politique ?


    Car le plus choquant, c'est la raison des détournements. Depuis le 31 mars 2025, les apparatchiks du RN parlent d'un simple "différend administratif" ! On rêve !! Voilà de la réalité alternative, comme on dit ! Non, ce n'est pas un problème administratif, c'est carrément du détournement massif de fonds publics. Les députés européens sont censés travailler au Parlement Européen avec leurs assistants parlementaires pour défendre les intérêts des Français en Europe. On peut être contre l'Union Européenne et considérer que l'intérêt de la France est d'être contre l'Europe, mais même ainsi, comme l'a fait par exemple Nigel Farage au Royaume-Uni, il faut bosser auprès des instances européennes contre les institutions européennes, dès lors que leur parti a élu des représentants (c'est la démocratie). Mais non ! Les députés européens du RN n'ont rien fait (il suffit de voir le bilan de Jordan Bardella à Strasbourg depuis 2019 !), et pendant longtemps (de 2004 à 2016), leurs assistants parlementaires n'ont fait que bosser pour la présidente du FN et l'appareil de leur parti, pas pour les intérêts français (selon eux) en Europe.

    Le plus choquant, dans la multicondamnation de Marine Le Pen, ce n'est pas la peine d'inéligibilité, qui est juste complémentaire, mais plutôt la peine de deux ans de prison ferme (quatre ans de prison en tout), avec mesure d'aménagement ab initio sous le régime de détention à domicile sus surveillance électronique. Deux ans ferme ! Imagine-t-on un candidat à l'élection présidentielle avec une condamnation à deux ans de prison ferme pour des délits de détournement de fonds public ?! Et qu'il puisse être élu ? Il est là, le scandale. Il a beau y avoir appel et présomption d'innocence, la condamnation en première instance n'est pas effacée pour autant.

     

     
     
     
     
     
     


    Le 31 mars 2025 sur France 5, le constitutionnaliste Dominique Roussau rappelait une évidence : « Pour que les électeurs aient confiance en leurs élus, il faut qu’ils soient intègres. Ce qui met en cause la démocratie c’est le tous pourris. Ce qui n’est pas sain pour la démocratie, c’est de laisser élire des gens qui ont fraudé. ». Le thème favori du lepénisme électoral s'est effondré dans un sketch de l'arroseur arrosé.

    Même si elle va faire appel, Marine Le Pen a quand même été condamnée en première instance à de la prison ferme et surtout, les faits ont été établis et sans laisser aucun doute. Cela signifie que, contrairement à d'autres affaires où l'incertitude peut planer, la culpabilité de Marine Le Pen sera probablement confirmée et que la seule différence portera peut-être dans la nature des peines qu'elle aura en appel.

    Ce qui m'inquiète, c'est que dans les nombreux commentaires dans cette affaire, tant les responsables politiques (hors RN) que les journalistes sont focalisés sur l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité et ses conséquences dans la course de petits chevaux présidentiels alors que le plus important est la peine de deux ans de prison ferme et surtout, les 4,1 millions d'euros d'argent public détourné. Où est la tolérance zéro ? Où est la condamnation du laxisme des juges contre la délinquance ? Où est la volonté de condamner à l'inéligibilité à vie les responsables politiques tombés dans la délinquance ?

    J'ai ressenti dans ce paysage politico-médiatique une double trouille. La trouille des journalistes qui, du coup, sont très mesurés parce que si, pour beaucoup d'entre eux, ils sont au fond ravis, ils ont peur que malgré tout, le RN arrive au pouvoir et ils doivent le cas échéant éviter une future disgrâce (c'est aussi cette trouille qui domine la presse américaine actuellement). Mais aussi la trouille des responsables politiques (hors RN), pas vis-à-vis du RN, mais vis-à-vis des lois et de la justice, comme s'il y avait un réflexe corporatiste, de système (celui dans lequel RN évolue allègrement, comme les autres), de se retrouver à la place du RN dans le box des accusés... et des condamnés. C'est particulièrement clair pour Jean-Luc Mélenchon et ses insoumis, pour LR également (le parti a été ébranlé par les condamnations de François Fillon et, plus récemment, de Nicolas Sarkozy), mais aussi, un peu plus subtilement, pour le Premier Ministre François Bayrou dont les déclarations, plus nuancées qu'on pourrait le croire, restent néanmoins assez décevantes (j'y reviens plus loin).

    Si Marine Le Pen a été relativement mesurée le 31 mars 2025 en voulant respecter la stratégie de la respectabilité qu'elle avait mis en place en juin 2022, celle-ci a complètement explosé le lendemain, mardi 1er avril 2025, peut-être en guise de poisson d'avril. La conférence de presse de Marine Le Pen et Jordan Bardella qui s'est tenue le mardi matin à l'Assemblée et, encore pire, la séance des questions au gouvernement le mardi après-midi ont montré que le RN venait d'adopter une stratégie complètement suicidaire avec des propos insurrectionnels, populistes, violemment démagogiques, remettant en cause l'État de droit, les juges, les lois, en somme, le RN vient de tomber dans le trumpisme le plus obscur !

     

     
     


    Les caciques du RN crient au gouvernement des juges. C'est tout le contraire qui s'est passé. Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'Université de Lille et membre de l'Institut Universitaire de France, l'a expliqué très clairement dans un article publié le 1er avril 2025 dans "Libération" : « À ceux qui dénoncent une justice politique, soustrayant le pouvoir des juges au pouvoir du peuple, il faut répondre, d’abord, que la justice est rendue au nom du peuple français. Les juges tiennent leur légitimité de l’édifice juridique qui constitue notre droit et au fondement duquel se trouve notre Constitution, que le peuple a adopté soit directement, soit par la voie de ses représentants. Les juges tiennent également leur légitimité de leur indépendance et de leur impartialité, constitutionnellement garanties, les contraignant à agir conformément au droit, qu’ils sont chargés d’appliquer, indépendamment de tout intérêt privé, partial ou partisan. Ils appliquent donc le droit, au nom du peuple, exerçant une mission de souveraineté qui leur est juridiquement et légitimement confiée par ce même peuple. ».

    Et d'ajouter : « Ensuite, il faut ajouter que la justice nous protège, en veillant à la bonne application du droit et en sanctionnant ceux qui le violent. Pour cela, des procédures sont établies destinées à préserver les droits des justiciables : enquête, instruction, audience, délibéré, collégialité, verdict, appel, cassation. Ce sont autant d’éléments, parmi d’autres, qui permettent d’assurer que la justice n’est pas inique, mais sert le droit et l’intérêt général. Marine Le Pen a eu l’occasion, tout au long de cette procédure, de faire valoir ses arguments, devant plusieurs juges, à différentes étapes. In fine, une formation collégiale de trois juges, après un délibéré de plusieurs mois, a retenu que les faits qui lui étaient reprochés étaient suffisamment probants et convaincants pour constater qu’elle avait effectivement commis une infraction. Dès lors, le droit s’applique : s’il y a culpabilité, il y a peine et, en l’espèce, il y a également peine complémentaire d’inéligibilité, les juges retenant que les circonstances particulières de l’espèce commandent de l’assortir de l’exécution provisoire, c’est-à-dire de la rendre applicable immédiatement. Au nom de la loi, ils viennent exprimer le "non" de la loi : ce ne sont pas les juges qui décident de déclarer Marine Le Pen inéligible immédiatement, mais c’est bien la loi qui l’impose. ».

    L'État de droit, c'est respecter les juges et la justice : « Dénoncer un "gouvernement des juges" revient donc à commettre une grave erreur d’appréciation. Pis, en soutenant qu’il reviendrait au peuple de décider du sort de Marine Le Pen, on argumente en faveur d’une justice populaire, partiale et partisane. Serait-ce au peuple de juger tous les prévenus ? Serait-ce au peuple de décider si Untel est un violeur, si Untel est un meurtrier ou si Untel doit être acquitté ? Et, dans ce cas, en vertu de quels arguments et de quel cadre ? Si on est désireux d’une justice indépendante, objective et impartiale, on ne peut la confier au peuple, dont les prises de positions collectives, exprimées lors d’un vote, reposent sur une argumentation et un débat politiques. Et c’est précisément ce qui correspondrait à un "gouvernement des juges" voire, pire encore, à un "gouvernement sans juge". Au contraire, l’indépendance de la justice, établie et garantie au nom du peuple, permet que le droit soit objectivement appliqué et c’est exactement ce que révèle le verdict dans cette affaire. ».

    Jean-Philippe Derosier a aussi justifié l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité ainsi : « [Les juges] ont enfin fait application du principe constitutionnel d’individualisation des peines, en retenant que Marine Le Pen, qui, selon les faits, se trouvait au cœur de l’infraction, devait être condamnée à une lourde peine. Eu égard à son rôle dans la commission de cette infraction, à son refus persistant de la reconnaître et aux fonctions qu’elle occupe, deux risques ont enfin pu être identifiés, justifiant l’application immédiate de la peine d’inéligibilité : d’une part, un risque de récidive, dès lors qu’elle ne reconnaît pas le caractère délictuel des faits et, d’autre part, un risque d’échapper à la justice pendant un temps, précisément si elle était élue Présidente de la République, ce qui lui conférerait une immunité. ».

    Dans leur délibéré du 31 mars 2025, les juges ont eux-mêmes commenté ainsi leur jugement : « Le tribunal prend en considération, outre le risque de récidive, le trouble majeur à l’ordre public démocratique qu’engendrerait en l’espèce le fait que soit candidat, par exemple et notamment à l’élection présidentielle, voire élue, une personne qui aurait déjà été condamnée en première instance, notamment à une peine complémentaire d’inéligibilité, pour des faits de détournements de fonds publics et pourrait l’être par la suite définitivement. Il s’agit ainsi pour le tribunal de veiller à ce que les élus, comme tout justiciable, ne bénéficient pas d’un régime de faveur, incompatible avec la confiance recherchée par les citoyens dans la vie politique. Dès lors, dans le contexte décrit, eu égard à l’importance de ce trouble irréparable, le droit au recours n’étant pas un droit acquis à la lenteur de la justice, il apparaît nécessaire selon le tribunal, à titre conservatoire, d’assortir les peines d’inéligibilité prononcées de l’exécution provisoire. Il ne s’agit pas d’une peine définitive mais d’une peine complémentaire prononcée en première instance qui, afin de garantir l’effectivité de son exécution et d’éviter un trouble irréparable à l’ordre public démocratique, sera exécutée immédiatement, dans l’attente de l’arrêt de la cour d’appel susceptible d’intervenir d’ici un à deux ans. Dans le cadre d’une décision rendue au nom du peuple français dans son ensemble, cette mesure est en effet proportionnée aux objectifs à valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de bonne administration de la justice. C’est au regard de ces considérations que le tribunal apprécie, pour chaque personne condamnée, en tenant compte de sa situation individuelle, le caractère nécessaire et proportionné d’une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire. ».
     

     
     


    En d'autres termes, les juges ont considéré que, condamnée en première instance à quatre ans de prison dont deux ferme, Marine Le Pen ne pourrait pas accomplir sa peine si elle était élue à l'élection présidentielle et l'application de sa peine serait reportée à 2032 pour des faits délictueux établis qui datent de 2004 !

    Je précise d'ailleurs que le temps long de la justice ici ne vient pas des juges mais du RN lui-même qui a, pendant toute l'instruction, fait 45 recours depuis 2017 ! sans compter le fait que Marine Le Pen ne s'est pas rendue aux convocations des juges. Le RN a tout fait pour repousser le plus tard possible le procès ainsi que le jugement. On s'étonnera donc de la volonté d'accélérer la procédure d'appel en faisant pression dans les médias et dans la rue.

    J'ajoute aussi que l'individualisation des peines est réelle et on peut le constater dans le délibéré qui compte tout de même 154 pages ! (On peut le lire ici). L'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité de trois ans n'a pas été décidée par exemple pour un autre prévenu, Fernand Le Rachinel, condamné à deux ans de prison avec sursis, parce que lui, au moment du procès, avait reconnu ses torts.

    Revenons aux citations de la journée du mardi 1er avril 2025 dans l'hémicycle, au cours de la séance des questions au gouvernement, car il s'agit d'éléments importants de la vie politique française. Pas moins de sept questions ont été posées au gouvernement en une heure et quart sur la condamnation de Marine Le Pen.

     

     
     


    Posant la première question du jour, le député RN Jean-Philippe Tanguy est parti comme une mitraillette en mélangeant tout, en osant évoquer le Général De Gaulle et en faisant dans l'excessif extrêmement insignifiant : « Le Général De Gaulle l’avait dit : en France, la seule et unique cour suprême, c’est le peuple ! Hélas, en vérité, jamais l’oligarchie n’a accepté que le peuple décide ni ne vote. Le système ne respecte que les urnes qui confortent son pouvoir mais renie les suffrages qui lui déplaisent. Un quarteron de procureurs et de juges prétend à présent sortir du droit pour exercer la vendetta du système contre son seul opposant, le Rassemblement national, et contre sa principale incarnation, Marine Le Pen. Il y a des tyrannies qui enferment leurs opposants, il y a désormais des juges tyrans qui exécutent l’État de droit en place publique ! Ces magistrats, en appliquant l’esprit d’une loi postérieure aux faits qui lui sont reprochés, refusent à Marine Le Pen le droit effectif d’appel et la présomption d’innocence qu’il confère. Ils lui refusent le droit d’être candidate ! Ces magistrats criminalisent le droit à la défense en aggravant la peine de Marine Le Pen, dont le seul tort est d’avoir voulu faire valoir son innocence ! Ces magistrats ont laissé envoyer hier à toute la presse parisienne et à nos adversaires, le jugement que nos avocats n’ont eu que ce matin ! Ces magistrats avouent, dans ce jugement, que la candidature, que l’élection de Marine Le Pen constituerait un trouble à l’ordre public ! Ces magistrats appliquent finalement la promesse du Syndicat de la magistrature : faire barrage à Marine Le Pen par tous les moyens, les pires des moyens ! Le groupe Rassemblement national ne vous laissera pas voler l’élection présidentielle comme vous avez volé des dizaines de sièges lors des dernières législatives ! Aucun de nos députés ne laissera diffamer celle qui incarne l’espérance du peuple de France ! De quoi est accusée Marine Le Pen, sinon de sa capacité à vaincre ce système ? ».

    La réponse du Ministre d'État, Ministre de la Justice, Gérald Darmanin a été (évidemment) beaucoup plus mesurée : « Une décision de justice importante a été rendue hier. Elle concerne Mme la présidente Le Pen, comme de nombreux membres du Rassemblement national. Dans cette affaire, les personnes qui le voudraient ont dix jours pour interjeter appel. Cet appel est de droit : tout citoyen doit pouvoir exercer son droit au recours, afin d’être jugé par une cour d’appel. Si madame Le Pen décidait d’interjeter appel, je souhaite, à titre personnel, que l’audience d’appel puisse être organisée dans le délai le plus raisonnable possible, conformément à l’esprit de sa démarche. Il appartiendra à la cour d’appel de Paris, parfaitement indépendante, de fixer la date de cet appel. Monsieur le député, votre intervention m’a semblé contenir deux erreurs, pardonnez-moi si je n’ai pas bien entendu dans le brouhaha. La première, c’est que nous n’avons volé aucun siège de député ! Nous avons tous été élus au suffrage universel direct que vous réclamez ; nous sommes des parlementaires égaux ! C’est ainsi : le scrutin législatif comporte deux tours ; aucun citoyen n’a été forcé de voter pour aucun des députés ici présents. Deuxième erreur : vous avez sans doute oublié d’apporter votre soutien aux magistrats menacés depuis hier… En démocratie, il est inacceptable que des personnes puissent menacer physiquement des magistrats. Il me semble que lorsque l’on réclame un État de droit, cette réclamation ne peut souffrir aucune exception parmi les magistrats libres et indépendants de ce pays. ».

    Certains ont vu cette opinion personnelle sur le calendrier de la justice comme une pression sur celle-ci. Quelques heures plus tard, on a appris qu'en cas d'appel, la cour d'appel de Paris tenterait de faire ce procès en appel avant la fin de l'été 2026. Sur le principe, accélérer la justice est une nécessité de bon sens, mais d'une part, la lenteur de l'affaire Le Pen vient du RN lui-même (déjà écrit) et d'autre part, en donnant la priorité à l'affaire Le Pen sur d'autres affaires, cela va impacter sur d'autres affaires judiciaires et d'autres personnes condamnées en première instance et actuellement incarcérées. Selon la magistrate Évelyne Sire-Marin, membre du bureau de la Ligue des droits de l'homme (interviewée le 1er avril 2025 sur LCI), il y a, à ce jour, déjà 4 000 affaires dont l'instruction est terminée en attente de procès en appel !


    En outre, je ne vois pas en quoi ce procès en appel ferait les affaires de Marine Le Pen, en ce sens qu'une nouvelle condamnation resterait très probable en appel et qu'une peine en appel serait encore plus dure à faire accepter auprès de ses propres électeurs.
     

     
     


    Sur la tirade particulièrement excessive de Jean-Philippe Tanguy, l'éditorialiste politique Patrick Cohen a proposé le lendemain, dans sa chronique sur France Inter, ce commentaire : « C’est politiquement inepte et judiciairement stupide. La colère est sûrement sincère, mais les adversaires du RN auront beau jeu d’expliquer que ce jour-là, le vernis a craqué, que l’extrême-droite a montré son vrai visage. Que la normalisation et la stratégie de la cravate n’étaient que des leurres. Or ce discours victimaire, antisystème et antirépublicain, s’il peut susciter l’adhésion d’une partie de la base, des 30 à 35% d’électeurs de premier tour, il a tout pour effrayer ceux qui manquent pour faire 50 au second, surtout dans une présidentielle. Un RN dédiabolisé peut espérer briser le plafond. Un RN trumpiste, c’est beaucoup moins sûr. Et puis sur le plan judiciaire, c’est tout aussi curieux. Maudire les magistrats qui vont vous rejuger, insulter ceux qui viennent de le faire, appeler à manifester contre les juges, comme l’avait fait Jean-Marie Le Pen déclaré inéligible en 98, n’est pas la meilleure des stratégies. Surtout quand vos premiers juges vous reprochent de ne pas avoir pris conscience de la gravité des détournements dont vous êtes coupables. ».

    Répondant à une question du président du groupe socialiste Boris Vallaud, François Bayrou a déclaré : « Le soutien que nous devons apporter aux magistrats, dans l’exercice de leurs fonctions, doit en effet être inconditionnel, non mesuré, puissant. Il est très important que l’ensemble de la représentation nationale exprime un tel soutien. ». Mais il a continué ainsi : « Il est vrai que des interrogations subsistent, j’en ai moi-même souvent formulé sur le seul sujet qui me paraît devoir être abordé dans cette affaire : la possibilité de former des recours. En principe de droit, toute décision lourde et grave en matière pénale doit pouvoir faire l’objet d’une procédure en appel et d’un recours. Cependant, le dispositif de l’exécution provisoire conduit à ce que des décisions lourdes et graves ne soient pas susceptibles de recours. Il n’est alors plus possible de faire appel de décisions qui, pourtant, peuvent entraîner des conséquences irréversibles. J’ai toujours, comme citoyen, considéré ce point comme problématique ; je m’étais déjà exprimé en ce sens lors de la condamnation du maire de Toulon, Hubert Falco. En effet, je considère, comme citoyen… Je suis un citoyen. Conformément aux principes du droit, les décisions de justice sont protégées et les magistrats doivent être soutenus. Cependant, lorsqu’il s’agit de s’interroger sur l’état de la loi, il revient au Parlement de prendre ses responsabilités. ».


    Répondant ensuite à la présidente du groupe écologiste Cyrielle Chatelain : « Il est indiscutable et il doit être indiscuté, sur tous les bancs, que les décisions de justice ont à être soutenues et les magistrats protégés dans l’exercice de leur mission. J’affirme, au nom du gouvernement, que c’est le cas : vous l’avez dit, il n’y a pas de passe-droit, quel qu’il soit et quelle que soit la loi concernée. Les magistrats exercent leur mission lorsqu’ils prononcent des jugements. Il est donc légitime que nous leur apportions, unanimement, sur tous les bancs, notre soutien. Toutefois, certains exemples… Pardonnez-moi de le dire : c’est vous, c’est le Parlement qui fait la loi. J’ai lu les déclarations des Insoumis à ce sujet, qui étaient très claires… Je considère que le Parlement a une réflexion à mener. Cependant, je n’ai pas l’intention de confondre la discussion portant sur un jugement, que je ne commente pas et que je soutiens, avec la réflexion sur l’état de la loi, qui appartient au Parlement et qui mérite d’être constamment reprise. ».
     

     
     


    Ainsi, François Bayrou a renvoyé le Parlement à ses responsabilités et a mollement défendu les juges (il ne pouvait pas faire autrement), mais c'est quand même assez décevant notamment pour un leader politique qui a fait de la moralisation de vie politique l'un de ses plus marquants dadas.

    Gérald Darmanin est réintervenu également après une question de la députée RN Laure Lavalette : « Je pense également avoir été clair, tout comme M. le Premier Ministre, sur le respect du droit inaliénable de faire appel, pour toutes les citoyennes et pour tous les citoyens, pour madame la présidente Le Pen comme pour toutes les autres personnes mises en cause par le tribunal de Paris. Il ne m’appartient pas, au titre de l’article 64 de la Constitution, d’en dire plus. Nous souhaitons tous, et je m’adresse ici aux membres du groupe Rassemblement national, un climat politique apaisé et des élections qui permettent à chacun de voter pour le candidat de son choix. Madame Lavalette, permettez-moi cependant de remarquer, vous êtes vous-même élue du Var, que M. Falco, ancien maire de Toulon, a été, lui aussi, frappé d’une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire. Vous aviez déclaré à l’époque, dans la presse locale : "S’il ne m’appartient pas de commenter cette décision de justice (…), j’appelle de mes vœux à l’apaisement et au respect de chacun". Je ne saurais dire mieux. ».

    Dans sa question, l'ancien président de LR et désormais complètement lepénisé, Éric Ciotti, a fait dans l'amalgame populiste (repris souvent dans les réseaux sociaux) : « Le candidat de l’opposition, François Fillon, largement favori dans l’élection présidentielle de 2017 : éliminé. La chaîne de télévision la plus populaire de la TNT : rayée de la carte. Aujourd’hui, enfin, la candidate donnée gagnante par tous les sondages pour l’élection présidentielle de 2027 est empêchée de se présenter par certaines personnes. Je veux dire tout mon soutien, dans ces conditions, à Marine Le Pen. Ce qui se passe est d’une gravité extrême. Alors que le pouvoir exécutif n’exécute plus rien, alors que le pouvoir législatif ne légifère sur rien, nous observons la prise de pouvoir de l’autorité judiciaire. Le gouvernement des juges s’installe contre le peuple souverain. D’éminents juristes, pourtant opposés à Marine Le Pen, ont fait entendre leur inquiétude : l’exécution provisoire instaure une peine de mort politique. Notre groupe défendra donc, dans le cadre de sa niche parlementaire de juin, une proposition de loi tendant à supprimer l’exécution provisoire pour les peines d’inéligibilité. ». Sur le "gouvernement des juges", je renvoie à l'explication du professeur Jean-Philippe Derosier, plus haut.

    La réponse de François Bayrou n'a pas changé : « Je ne veux pas laisser dire ici que notre démocratie serait mise à mal par l’autorité judiciaire. Ce n’est pas vrai. (…) Dès lors que nous prenons acte de la répartition des rôles qui assure l’équilibre de la démocratie et de la République, la marche à suivre est très simple : vous annoncez que vous allez déposer une proposition de loi, celle-ci sera examinée par les deux chambres et c’est donc le Parlement qui décidera si, oui ou non, il convient de toucher à l’écriture de la loi à partir de laquelle les magistrats jugent. ». Je reviendrai dans un autre article sur le fait de faire une nouvelle loi sur le sujet.

    La députée PS Sandine Runel, quant à elle, a rappelé un article du code pénal : « "Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende". Cet article du code pénal semble avoir échappé à certains, mais après tout, ils ne sont plus à ça près. Car, depuis hier, nombre de réactions se sont fait entendre, en premier lieu celles de l’extrême droite mondiale qui dénonce une décision de justice qualifiée de politique. MM. Poutine, Musk et Orban sont d’ailleurs les premiers à crier au scandale démocratique. S’en est suivi un déferlement de réactions dangereuses et populistes de la part de tout l’état-major du Rassemblement national. (…) Alors redisons-le avec force : en France, il n’y a pas de dictature judiciaire. Il n’y a pas de justice politique ni de tyrannie des juges. Car dans un État de droit, la loi s’applique sans privilège. Aucun sondage, aucune intention ne saurait vous donner un totem d’impunité. ».

     

     
     


    La question du député RN Sébastien Chenu n'a pas manqué, comme ses autres collègues du groupe RN, d'être polémique, tandis que d'autre députés lui ont crié "Rendez plutôt l'argent !" : « En laissant s’abîmer notre État de droit, la France, seul pays où il faut avoir perdu les élections pour gouverner, s’abîme sur la scène internationale. Craignant le jugement du peuple, certains se rassurent en s’appuyant sur celui de magistrats politisés. (…) Vous qui parlez à Tebboune et à Al-Charaa, vous acceptez qu’on piétine ici notre État de droit. Vous qui aimez tant donner des leçons de morale au monde entier, comment défendrez-vous demain Navalny ou Imamoglu, l’opposant d’Erdogan, quand vous acceptez ici que le peuple ne puisse ni choisir, ni voter pour la candidate du peuple, Marine Le Pen ? ».

    La réponse de Gérald Darmanin : « L’affaire est si importante que je ne cherche en rien à polémiquer. Il est question d’une décision de justice, rendue par trois magistrats indépendants, après un procès. Je ne vous permets pas de mettre en doute l’indépendance des magistrats ! Dans un État de droit, il est possible de faire appel. L’appel de madame la présidente Le Pen et des autres condamnés en première instance doit d’abord être audiencé. Après l’audiencement, le procès, qui sera équitable, et le verdict, prononcé par des magistrats indépendants, chacun devra accepter la décision de justice, c’est le principe dans un État de droit. Vous évoquez le respect de la démocratie. Comme vous l’a rappelé le Premier Ministre, les dispositions que vous dénoncez figurent dans une loi de 2016, la loi Sapin II, que je n’ai pas votée. Aujourd’hui, c’est la loi de la République. Comme l’a indiqué le Premier Ministre au président Ciotti, il appartient maintenant au Parlement de la modifier, s’il le souhaite. ».


    Et de préciser un point : « Je veux revenir sur un point également soulevé par M. Tanguy. Il n’existe pas une candidate du peuple et d’autres qui ne le seraient pas. Nous avons tous ici été élus par le peuple. Depuis le début de la Ve République, aucun candidat d’extrême droite n’a été choisi par le peuple à l’occasion de l’élection présidentielle, contrairement à M. Macron, qui l’a été deux fois, ne vous en déplaise ! Le peuple ne serait-il plus le peuple quand il vote mal ? Il devrait vous être possible d’avancer de bons arguments juridiques et politiques tout en respectant le vote du peuple, même quand il ne vote pas pour vous ! ».

    Dans la soirée du 1er avril 2025, Marine Le Pen a confirmé dans une interview au quotidien "Le Parisien" publiée le lendemain, qu'elle explorerait toutes les voies de recours possible : « Nous allons saisir le Conseil Constitutionnel par une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), dont le but est de se prononcer sur l'incompatibilité qu'il y a entre une décision d'inéligibilité avec exécution provisoire, et la liberté des électeurs qui est inscrite dans la Constitution. Par ailleurs, je souhaite saisir aussi en référé la Cour européenne des droits de l'homme. ». La QPC devrait être recevable si l'on lit bien entre les lignes la décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025 du Conseil Constitutionnel. Quant à la CEDH, il fut un temps où Marine Le Pen la conspuait !

    Malgré toute cette agitation politicienne, il n'en demeure pas moins que la condamnation de Marine Le Pen en première réelle est bien réelle. Elle est d'une gravité exceptionnelle, de quatre ans de prison dont deux ans ferme, portant sur des détournements de fonds publics dans un système de financement qui n'a rien de fortuit et qui a duré douze ans. L'inéligibilité n'est que l'écume de cette lourde condamnation.


    Le principal sera la bataille de "l'opinion publique". Dans les premiers sondages, la tendance n'est pas favorable à Marine Le Pen. Une majorité des sondés considérerait normale la condamnation de Marine Le Pen et serait d'accord avec le principe d'une exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité.

    En effet, dans le sondage Elabe pour BFMTV publié le 31 mars 2025 (avec un échantillon représentatif de 1 008 personnes interrogées par Internet après l'annonce de la condamnation de Marine Le Pen), pour 57,0% des sondés, cette décision de justice serait avant tout « une décision de justice normale ». De plus, 68% des sondés dans ce même sondage diraient que cette règle de l'exécution provisoire est juste.
     

     
     
     
     


    La candidature de Marine Le Pen a donc beaucoup de plomb dans l'aile pour l'élection présidentielle de 2027. Elle aura du mal à aller jusqu'au bout avec tous ces obstacles judiciaires mais aussi politiques. Sa combativité l'honore, mais on l'aimerait plus au service de l'intérêt du peuple français.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (02 avril 2025)
    http://www.rakotoarison.eu
     


    Pour aller plus loin :
    Texte intégral du jugement délibéré du 31 mars 2025 sur l'affaire Le Pen (à télécharger).
    Affaire Le Pen : ne confondons pas victime et coupable !
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...













    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250401-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/affaire-le-pen-ne-confondons-pas-260249

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/04/01/article-sr-20250401-marine-le-pen.html


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  • Marine Le Pen : voler l'argent des Français !

    « Marine Le Pen est au cœur de ce système. (…) Les embauches sont décidées par Marine Le Pen sans que les députés soient consultés. » (La présidente du tribunal correctionnel de Paris, le 31 mars 2025).




     

     
     


    Coup de semonce ce lundi 31 mars 2025 dans la matinée : le tribunal correctionnel de Paris a rendu public son jugement dans l'affaire des assistants parlementaires du RN. La principale prévenue, Marine Le Pen, considérée comme étant au cœur de tout un système de détournement de fonds publics, a été condamnée en première instance à quatre ans de prison dont deux ans ferme, avec bracelet électronique a domicile, à 100 000 euros d'amende et, surtout, en peine complémentaire, à cinq ans d'inéligibilité assortis d'une exécution provisoire. Cela signifie que Marine Le Pen ne pourra pas se présenter à une élection présidentielle entre le 31 mars 2025 et le 31 mars 2030. De plus, son mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais est déchu (pas celui de députée).

    C'est bien sûr un événement politique important, de la même importance que la condamnation à de la prison ferme de Nicolas Sarkozy ou que la mise en examen, en plein campagne présidentielle, de François Fillon. Mais il ne faut pas oublier que la justice est indépendante et les juges (ils sont plusieurs à avoir pris cette décision) ont dû résister aux nombreuses pressions politiques de ces dernières semaines.

    Il ne faut pas se tromper, le RN et Marine Le Pen, loin d'être anti-système, ont voulu, pendant de nombreuses années, entre 2004 et 2016, profiter du système avec de l'argent public. Le RN a d'ailleurs été lui aussi condamné à une lourde amende de 2 millions d'euros dont un million avec sursis. Le préjudice serait de 4,1 millions d'euros, ce qui est une somme colossale dans les affaires politico-financières.


    Ce n'est pas la première fois que des élus de la République ont été condamnés à des peine d'inéligibilité avec exécution provisoire : Hubert Falco (maire de Toulon et ancien ministre), Gaston Flosse (ancien président de Polynésie française et ancien ministre), le couple Balkany (en particulier Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret), etc. En ce sens, le jugement particulièrement sévère à l'encontre de Marine Le Pen n'a rien d'exceptionnel et est au contraire une règle... voulue par les parlementaires eux-mêmes !

    C'est intéressant d'observer la réaction de la classe politique et du monde médiatique. Parmi les politiques, les proches du RN sont évidemment vent debout contre une décision qu'ils considèrent comme politique, celle d'un gouvernement des juges (ce qui est faux, voir plus loin l'explication du professeur Dominique Rousseau). Les insoumis aussi sont opposés à ce jugement. Le PS et les écologistes sont plus mesurés en se contentant de vouloir préserver l'indépendance de la justice mais ne peuvent s'empêcher d'être ravis. Quant à la majorité gouvernementale, elle est très mesurée, le Premier Ministre François Bayrou a laissé croire qu'il était « troublé » tout en refusant de commenter une décision de justice, et la veille, il expliquait au journal "Le Figaro" : « Si Marine Le Pen ne peut pas se présenter, il y a un risque de choc dans l'opinion. ». En outre, un candidat à la présidence de LR a protesté vigoureusement.


     

     
     


    Peut-être que c'est l'ancienne ministre et actuelle députée EPR Prisca Thevenot qui a eu la meilleure réaction, la plus rationnelle. Elle a posé la simple question : à partir de quel pourcentage dans les sondages une candidate peut-elle être au-dessus des lois ? La réponse est évidente : la loi s'applique à tous !

    Quant aux journalistes, ils sont manifestement gênés, tentent de ménager la chèvre et le chou, pour beaucoup, sont secrètement ravis mais ont peur des réactions peut-être explosives d'une partie de l'électorat et ont complètement oublié que l'État de droit, c'est d'abord de respecter les lois et les juges veillent justement à ce respect.

    Très instructives aussi ont été les réactions internationales de soutien. Là, c'est clair, les masques tombent ! L'internationale de l'extrême droite populiste est à l'œuvre et s'est trahie elle-même ce lundi ! Tous ceux qui ont apporté un soutien à Marine Le Pen veulent l'échec de la France. Cela dit beaucoup du patriotisme de pacotille des élus RN ! La première réaction est même venue du Kremlin, ce n'est pas un poisson d'avril, ce n'est pas une caricature, ce n'est même pas de l'humour, c'est la réalité glaçante par la voix du porte-parole de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov : « De plus en plus de capitales européennes empruntent la voie de la violation des normes démocratiques. ». La France des Lumières n'a pas de leçon à recevoir d'un sbire de Vladimir Poutine !

    Dis-moi qui te soutient, je te dirai qui tu es ! Viktor Orban : « Je suis Marine ! ». Elon Musk : « Lorsque la gauche radicale ne peut pas gagner par le biais d'un vote démocratique, elle abuse du système judiciaire pour emprisonner ses opposants. C'est la règle du jeu qu'ils appliquent partout dans le monde. ». Matteo Salivini : « Ceux qui craignent le jugement des électeurs cherchent souvent à se rassurer par celui des tribunaux. À Paris, ils ont condamné Marine Le Pen et aimeraient l'écarter de la vie politique. Un mauvais film que l'on observe également dans d'autres pays comme la Roumanie. ». Geert Wilders : « Je suis choqué par le verdict incroyablement sévère rendu contre Marine Le Pen. Je la soutiens et je crois en elle à 100% et je pense qu'elle gagnera son appel et deviendra Présidente de la France. ». Le pire est sans doute l'ancien Président russe Dmitri Medvedev qui n'a pas hésité à confirmer les visions expansionnistes de son pays : « Après la décision de justice rendue, il me semble que, comme le 31 mars 1814, seuls les cosaques russes puissent ramener la liberté en France. Mais est-ce que Marine Le Pen les attendra ? ». Qu'est-ce que c'est que toutes ces ingérences de dirigeants politiques étrangers à l'égard de la France ? La patriotisme du RN se réduit à rien du tout !


     

     
     


    Avant de poursuivre, je ne peux pas m'empêcher de revoir Marine Le Pen dans la position si connue de Mains propres, tête haute ! Ainsi, le 9 février 2004 dans "Mots croisés" sur France 2, Marine Le Pen débattait avec Jean-François Copé, Arlette Laguiller et Malek Boutih. Elle a notamment déclaré, à propos de la condamnation d'Alain Juppé : « Tout le monde a piqué de l'argent dans la caisse sauf le front national. Et on trouve ça normal ? Oh mais non, c'est pas très grave, à la limite. Les Français en ont marre, mais les Français n'en ont pas marre d'entendre parler des affaires, ils en ont marre qu'il y ait des affaires, ils en ont marre de voir les élus, je suis navrée de vous le dire, qui détournent de l'argent, c'est ça qui est scandaleux. Parce que je vais vous dire, avec tout cet argent, ce qu'on aurait fait. Ah, en termes de restos du cœur, en termes d'opérations pièces jaunes, c'est combien d'opérations pièces jaunes, tout l'argent qui a été détourné par les élus ? (…) Monsieur Copé, on ne vole pas l'argent des Français ! Vous savez ce que ça veut dire ? Voler l'argent des Français, voler l'argent des Français ! Ça, c'est respecter la démocratie, c'est de ne pas voler l'argent des Français. Voilà, vous voyez ? ». Il faut bien comprendre que la condamnation de Marine Le Pen se base de faits qui ont commencé en ...2004 !

    Neuf ans plus tard, le 5 avril 2013 sur Public Sénat, Marine Le Pen répétait la tirade de celle qui lave plus blanc que blanc : « Moi, j'ai entendu le Président de la République dire : oui, ce qu'il faudrait, c'est rendre inéligible à vie ceux qui ont été condamnés. Jusque là, je suis parfaitement d'accord. C'était dans mon projet présidentiel. Pour corruption et fraude fiscale. Ah bon ? Et pourquoi pas le reste ? Mais alors, pourquoi pas pour favoritisme ? Pourquoi pas pour détournement du fonds public ? Pourquoi pas pour emplois fictifs ? ». Si elle avait su...

     

     
     


    La (encore) députée Marine Le Pen s'est invitée au journal de 20 heures de TF1 ce lundi 31 mars 2025. Elle a eu, à mon avis, la mauvaise idée de proclamer encore son innocence, un système de défense utilisé déjà pendant tout son procès qui a encouragé les juges à prononcer l'exécution provisoire pour éviter la récidive, puisqu'elle n'a pas compris que ce qu'elle avait fait était illégal.

    Se proclamer innocent même après une condamnation définitive, l'un des hommes politiques qui a passé le plus de temps en prison, Alain Carignon, en a fait une règle personnelle : ne jamais reconnaître sa culpabilité. C'est efficace politiquement car cela permet à ses fidèles de continuer à le soutenir. En revanche, c'est très contre-productif lors d'un procès car c'est insupportable pour les juges qui considèrent que décidément, ce justiciable est irrécupérable.

    Mais Marine Le Pen a dit des contre-vérités sur TF1, en particulier en disant que la loi Sapin II ne s'appliquait pas à sa situation. Bien sûr que si ! La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II (du nom du Ministre de l'Économie et des Finances Michel Sapin) a introduit dans le code pénal (article 131-26-2) ce principe : toute condamnation pénale pour délit d’atteinte à la probité (par exemple, détournement de fonds publics, abus de confiance, corruption, favoritisme, etc.) doit obligatoirement être assortie d’une peine complémentaire d’inéligibilité, sauf décision spécialement motivée du juge.

    L'exécution provisoire (inéligibilité immédiatement applicable, même en cas d'appel), provient en partie de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire défendue par le garde des sceaux de l'époque, Éric Dupond-Moretti.


    Les juges ont donc appliqué simplement les lois voulues par les parlementaires élus au suffrage universel direct et donc, dépositaire de la volonté du peuple. Elle est là, la majorité ; il est là, le peuple. Les juges étaient même blâmés pour leur laxisme, d'où le renforcement par la loi.

    Le constitutionnaliste Dominique Rousseau, professeur émérite de droit public à l'Université Panthéon-Sorbonne, l'a rappelé le 31 mars 2025 à Public Sénat : « J'entends effectivement, depuis ce matin, haro sur les juges. Alors, je vais essayer de remettre les choses sur leurs pieds. Jusqu'à la loi Sapin, la peine d'inéligibilité, et l'exécution provisoire, était facultative, et les juges ne la prononçait quasiment jamais, afin justement d'éviter qu'on leur dise : ils se mêlent du politique. Devant cela, c'est le législateur, les élus, qui ont décidé non plus qu'elle serait facultative, mais obligatoire. Obligatoire ne voulant pas dire automatique, puisque les juges ont la possibilité de dire pas de peine d'inéligibilité. Autrement dit, pas haro sur les juges, haro sur le législateur, si on veut. C'est le législateur, qui a demandé aux juges qui n'étaient pas sévères, d'appliquer de manière obligatoire la peine d'inéligibilité pour un certain nombre d'infraction violences sexistes et sexuelles, et détournement de fonds publics. Donc, stop ! Stop ! Il ne faut pas tout mélanger. On oublie depuis ce matin les causes. (…) Les élus du peuple ont utilisé l'argent du peuple pour autre chose que ce pour quoi ils ont été élus. Ils ont été élus pour défendre les intérêts de la France au Parlement Européen, et ils ont utilisé l'argent pour autre chose que défendre les intérêts de la France au Parlement Européen. Ce qui fait mal à la démocratie, ce qui exécute la démocratie, c'est des élus qui ne remplissent pas leur travail, qui ne font pas leur travail. La démocratie se perd quand les élus ne sont pas intègres. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est ce qui est écrit dans la Déclaration de 1789. ».

    Nous sommes en plein Orwell quand on entend Marine Le Pen dire qu'avec sa condamnation, il n'y a plus d'État de droit. C'est au contraire l'indépendance des juges qui garantit l'État de droit. Le suffrage universel ne permet pas tout et surtout pas d'être au-dessus des lois que les parlementaires ont eux-mêmes rédigées. Ce frein aux abus, c'est la justice, comme ce sont aussi l'université et la presse, pour le professeur Dominique Rousseau : « Les juges ont comme références pour prononcer leur jugement la loi ou la Constitution si c'est le Conseil Constitutionnel. (…) Sur cette affaire-là, c'est le politique qui a voulu que la sanction soit plus sévère parce qu'il constatait que le juge ne prononçait pas la peine d'inéligibilité. (…) Il n'y a pas de pouvoir des juges. (…) Quel est le rôle des juges ? Le rôle des juges, c'est d'empêcher un pouvoir d'abuser de sa situation majoritaire. C'est du Montesquieu, hein. Il y a la faculté de statuer, et la faculté d'empêcher. Les juges n'empêchent pas le pouvoir de gouverner, ils empêchent le gouvernement d'abuser de sa situation pour porter atteinte aux droits et libertés. Et je dirais qu'en l'espèce, d'une certaine manière, les juges protègent la démocratie. Un des piliers de la démocratie, c'est le suffrage universel, on est bien d'accord ? Bon, et pour que la démocratie fonctionne, il faut qu'il y ait une confiance entre les électeurs et les élus. Si on ne prévient pas la possibilité d'élire des gens qui ont commis des infractions, détournement de pouvoir, violence, sexisme, détournement etc., on sape la confiance dans les institutions. (…) Trois piliers (…) : la liberté de la presse, la liberté et l'indépendance des juges, et la liberté universitaire. Ce sont les trois qui sont attaqués par tous ceux qui veulent remettre en cause la démocratie. ».

    La combativité de Marine Le Pen qui a décidé de continuer sa campagne présidentielle malgré sa condamnation est une forme de déni étonnant. Car il y a peu de chance que le jugement en appel soit rendu avant l'élection présidentielle et encore moins de probabilité pour qu'il soit plus clément qu'en première instance alors que les juges n'ont émis aucun doute sur la réalité des faits. De plus, il n'y a pas d'empêchement politique de se présenter, le RN a bien d'autres candidats possibles pour être représenté sérieusement à l'élection présidentielle. D'ailleurs, Jordan Bardella et Marion Maréchal piaffent d'impatience. Sauront-il attendre un délai raisonnable pour préserver la décence vis-à-vis de Tata Le Pen ?



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    Sylvain Rakotoarison (31 mars 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Marine Le Pen : voler l'argent des Français !
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
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    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
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    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
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    Christine Boutin.
    André Figueras.
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    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...


     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250331-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/marine-le-pen-voler-l-argent-des-260217

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/31/article-sr-20250331-marine-le-pen.html


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  • Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?

    « Je comprends que des gens ne soient pas sereins, mais moi, je le suis. » (Marine Le Pen, le 30 mars 2025 sur TF1).





     

     
     


    Il est des jours plus cruciaux que d'autres. On peut penser que le jour le plus crucial pour une personnalité politique, qui ne pense qu'à la politique depuis des décennies, c'est le jour de l'élection, mais maintenant, il faut être moderne : le jour crucial, c'est désormais le jour de l'annonce du jugement. Pour Marine Le Pen, candidate putative à l'élection présidentielle de 2027 (après déjà trois échecs cinglants !), ce jour-là, c'est ce lundi 31 mars 2025. Suspense dramatique. D'une tragédie, ou d'une comédie.

    En jeu, son avenir judiciaire, et donc, son agenda politique. Le réquisitoire du procureur dans l'affaire des assistants parlementaires du RN au Parlement Européen était d'une très grande sévérité le 13 novembre 2024 : il a requis, entre autres, une peine complémentaire de cinq années d'inéligibilité assortie d'une exécution provisoire. C'est cette "exécution provisoire" qui fait polémique, car cela rendrait l'ancienne présidente du RN inéligible malgré un recours en appel, c'est-à-dire alors qu'elle ne serait pas encore condamnée définitivement. De quoi rater le train électoral de 2027.

    On le comprend bien : l'exécution provisoire est une forme d'exécution tout court. Marine Le Pen l'a d'ailleurs vu ainsi dans une interview le 30 mars 2025 sur TF1 : « Je ne peux pas imaginer un tel trouble à l'ordre démocratique, on parle d'une mise à mort, d'une guillotine judiciaire. ». Même si cela pourrait faire plaisir à beaucoup de monde, serait-ce judicieux d'un point de vue démocratique ?

     

     
     


    Les autres peines requises par le parquet sont cinq ans de prison dont deux ans ferme et 300 000 euros d'amendes. Revenons aux fondamentaux, c'est-à-dire ici au contexte. La justice reproche à Marine Le Pen quelque chose de très grave : on parle d'un préjudice évalué entre 5,0 et 7,5 millions d'euros de détournement d'argent public. En utilisant l'enveloppe budgétaire prévue pour les collaborateurs des députés européens pour des individus qui avaient un autre emploi, comme garde-du-corps. Cela concernerait une vingtaine de personnes. Rien à voir avec l'affaire du MoDem, où il était de seulement quelques centaines de milliers d'euros. Un des supposés assistants parlementaires était, à l'époque, le compagnon de la présidente du FN ; une autre son (ancienne) belle-sœur.
     

     
     


    On peut comprendre que les juges pourraient considérer qu'une personnalité incapable de respecter le droit et la loi (et du reste incapable de gérer correctement les finances de son parti) ne devrait pas pouvoir postuler à un poste aussi important que Président de la République où il faudrait gérer le budget de l'État. Mais on pourrait aussi rétorquer, a contrario, que ceux qui ont géré l'argent public depuis une cinquantaine d'années ont creusé collectivement un trou de 3 305 milliards d'euros au 31 décembre 2024 !

    Marine Le Pen veut garder sa sérénité parce qu'elle ne peut pas imaginer un autre sort que celui d'une future candidate. La méthode Coué est-elle efficace ? Il faudra, pour le savoir, attendre le jugement de lundi : « Je pense que les magistrats ne décideront pas de l'exécution provisoire parce que je ne peux imaginer qu'ils le fassent. ».

    Ce qui est intéressant dans le discours de Marine Le Pen, c'est que, dans son esprit, sa condamnation ne fait l'objet d'aucune incertitude, et même, une peine d'inéligibilité contre elle ne fait aucun doute. Ce qui reste incertain, pour elle comme pour les observateurs de la vie politique, c'est si cette peine d'inéligibilité est assortie d'une exécution provisoire, ce qui aurait pour effet de rendre impossible sa candidature à l'élection présidentielle pour 2027. Du moins, en théorie, car elle aurait, dans ce cas-là, d'autres types de recours comme une QPC sur le sujet.

    Je rappelle que la décision du Conseil Constitutionnel prise le 28 mars 2025 n'avait pas l'effet de la rassurer puisqu'elle confirmait que l'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité était conforme à la Constitution sous réserve qu'il y ait un débat contradictoire, que les motivations soient écrites et qu'il n'y ait pas atteinte à la proportionnalité de la peine (ce dernier point est essentiel dans le cas de Marine Le Pen). Mais le Conseil Constitutionnel, qui n'a donc pas montré une grande empathie pour le cas de Marine Le Pen, lui a laissé une porte de sortie, ou plutôt, une sortie de secours : cette décision du Conseil Constitutionnel ne concerne que le cas des élus locaux, et pas des parlementaires. Par conséquent, cette décision ouvre bien la voie possible d'une QPC sur le sujet pour les parlementaires, ce qui est le cas de Marine Le Pen.


     

     
     


    D'un point de vue politique, l'inéligibilité effective de Marine Le Pen serait quand même un énorme coup de semonce sur la vie politique. Elle serait regrettable en ce sens que sa candidature est aujourd'hui créditée d'un score assez élevé dans les sondages d'intentions de vote, autour de 30%. Cette décision de justice remettrait en cause le jeu normal des candidatures, mais pas plus qu'avec la mise en examen, en plein campagne présidentielle, de François Fillon en mars 2017.

    Ce qui est sûr, malgré tous les soupçons qu'on pourrait avoir (avec l'existence d'un mur des c@ns dans le local d'un syndicat de juges, par exemple), c'est que le juge n'aura pas un raisonnement politique mais juridique. En clair, il devra déterminer si l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité remet en cause ou pas le droit des électeurs (en l'occurrence ici du RN).


    Rappelons que Marine Le Pen a longtemps été favorable à la sévérité des peines, et même à leur automaticité, estimant les juges beaucoup trop laxistes vis-à-vis des délinquants. La tolérance zéro ne doit-elle pas s'appliquer aussi à la classe politique ? Moins convaincante, Marine Le Pen avait pourtant fait de la moralité en politique son cheval de bataille en 2012 et souhaitait renforcer l'inéligibilité des responsables politiques qui auraient commis des délits.
     

     
     


    L'exécution provisoire de l'éventuelle peine d'inéligibilité de Marine Le Pen serait évidemment un coup dur pour elle, pour sa carrière politique et pour le RN, mais la nature a toujours horreur du vide et il y a une véritable vanité de se croire indispensable (au parti, à la nation).
     

     
     


    Jordan Bardella serait-il à Marine Le Pen ce qu'a été Édouard Balladur à Jacques Chirac ? Car au RN, tout est déjà acquis avec un "candidat de remplacement" en la personne de Jordan Bardella. La candidature de ce dernier aurait même la préférence de certains élus RN car il serait le plus apte à faire un rassemblement des droites là où Marine Le Pen voudrait encore surfer sur le ni droite ni gauche.

    Cette analyse néglige cependant le facteur très personnel d'une élection présidentielle. Certes, on vote pour une tendance, un courant politique, un projet présidentiel, mais aussi pour une personnalité qu'on croit apte, ou pas, aux fonctions de Président de la République. Ce serait difficile de faire confiance en un jeune homme de 28 ans qui, certes, communique bien sur les réseaux sociaux, mais qui n'a jamais travaillé autrement que dans un appareil politique, qui ne connaît pas la vraie vie des Français, fainéant en n'allant jamais au Parlement Européen pour lequel il est élu, et qui n'a jamais bossé ses dossiers.

     

     
     


    Ainsi, les électeurs de Marine Le Pen pourraient se détourner du RN pour un autre candidat qui serait, selon eux, aussi sérieux voire plus sérieux que l'ancienne présidente du RN. Aujourd'hui, ce candidat de substitution n'est pas au RN mais... au gouvernement : Bruno Retailleau, candidat actuel à la présidence de LR !


    Il pourrait toutefois y avoir une solution médiane pour le juge. Ce serait de prononcer une peine d'inéligibilité d'un ou deux ans assortie d'une exécution provisoire. Cela n'empêcherait pas Marine Le Pen de se porter candidate en avril 2027, mais cela montrerait la gravité du délit reconnu le cas échéant.
     

     
     


    Ah, au fait... On a appris par un article de Laurent Léger, publié le 28 mars 2025 dans "Libération", que Jean-Luc Mélenchon aurait lui aussi des poursuites judiciaires pour la même raison (emploi fictif d'assistants parlementaires européens)... depuis 2017 ! L'information, pourtant connue depuis le 18 juillet 2017, était bien cachée et l'avancée de l'enquête judiciaire est restée fort discrète...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (30 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Marine Le Pen et la sérénité d'une future condamnée ?
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...


     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250330-marine-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/marine-le-pen-et-la-serenite-d-une-260174

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/30/article-sr-20250330-marine-le-pen.html



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  • L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?

    « Le Conseil Constitutionnel juge conformes à la Constitution, sous une réserve d’interprétation, des dispositions du code électoral organisant la procédure de démission d’office applicable à un conseiller municipal privé de son droit électoral à la suite d’une condamnation pénale. » (communiqué du 28 mars 2025).




     

     
     


    Ce vendredi 28 mars 2025 à 10 heures a été rendue publique une décision très attendue du Conseil Constitutionnel. Elle était attendue parce qu'elle pourrait avoir un effet sur l'avenir judiciaire et donc l'avenir politique de Marine Le Pen, et parce qu'elle était, en quelque sorte, l'épreuve du feu du nouveau Président du Conseil Constitutionnel Richard Ferrand, installé le 7 mars 2025. Il s'agit de la décision n°2025-1129 QPC du 28 mars 2025.

    En droit français, nous avons ces deux éléments. Premièrement : « En vertu de l’article 131-26-2 du code pénal, sauf décision contraire spécialement motivée, la peine complémentaire d’inéligibilité est obligatoirement prononcée à l’encontre des personnes coupables d’un crime ou de certains délits. ». Deuxièmement : « Il résulte du quatrième alinéa de l’article 471 du code de procédure pénale que le juge peut ordonner l’exécution provisoire de cette peine. ».


    Le problème est le suivant : « Il était notamment reproché à ces dispositions, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante du Conseil d’État, de porter une atteinte disproportionnée au droit d’éligibilité en imposant que soit immédiatement déclaré démissionnaire d’office le conseiller municipal condamné à une peine d’inéligibilité, y compris lorsque le juge pénal en ordonne l’exécution provisoire. ».

    Reprenons depuis le début pour être clair, car cela peut être un peu compliqué. Une QPC est une question prioritaire de constitutionnalité : introduite dans la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 voulue par Nicolas Sarkozy, elle permet aux justiciables de remettre en cause une disposition d'une loi (déjà en application, donc) qui les défavoriserait en raison de sa non-conformité à la Constitution. En effet, lorsqu'elle est adoptée par le Parlement, une loi peut, avant d'être promulguée, faire l'objet d'une saisine par des parlementaires sur sa conformité, ou pas, à la Constitution, mais lorsqu'il n'y a pas de saisine, cela ne signifie pas que tout le texte est conforme, et lorsqu'il est promulgué, il s'applique. C'est donc une révolution juridique énorme puisque toutes les lois peuvent être remises en cause. La charge de travail du Conseil Constitutionnel a ainsi décuplé depuis son introduction effective le 1er mars 2010.

    Le Conseil Constitutionnel a ainsi été saisi par le Conseil d'État (décision n° 498271 du 27 décembre 2024) sur le cas d'un conseiller municipal de Mayotte qui a été condamné en première instance en particulier à l'inéligibilité avec exécution provisoire, ce qui a pour effet sa démission d'office de son mandat de conseiller municipal de manière immédiate.


    L'exécution provisoire de l'inéligibilité peut avoir de graves conséquences puisqu'elle oblige l'exécution d'une peine en première instance même si un appel a lieu, et donc, même si le procès doit de nouveau se tenir. Elle provient de la la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, adoptée à la suite de l'affaire Cahuzac.

    Même si la décision n'a rien à voir avec la situation de Marine Le Pen, elle est concernée en ce sens que le procureur, dans son réquisitoire du 13 novembre 2024, avait demandé, entre autres, une peine d'inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire. Ce qui signifie, si elle était prononcée, il faut attendre le 31 mars 2025 pour avoir connaissance de la décision du juge, que la leader du RN ne pourrait pas se représenter à l'élection présidentielle avant le 31 mars ...2030, soit, bien après 2027, à moins qu'un procès en appel soit tenu avant 2027 et l'innocente, ce qui paraît peu probable en raison des lenteurs de la justice (lenteur, dans le cas de Marine Le Pen, qui est surtout la conséquence de ses propres avocats qui ont fait traîner les choses en réclamant expertise sur expertise).


    Quant au Conseil Constitutionnel, il devait prendre la décision en question avant le 3 avril 2025 (il a trois mois pour statuer) et a opté pour la date du 28 mars 2025, c'est-à-dire trois jours avant la décision de justice pour Marine Le Pen qui, en principe, est indépendante, mais on imaginerait mal les juges condamner à une peine d'inéligibilité à exécution provisoire si le Conseil Constitutionnel venait de dire, pour une autre affaire, que cette exécution provisoire serait anticonstitutionnelle (insistons, le litige constitutionnel, ce n'est pas l'inéligibilité, mais le principe d'une exécution provisoire avant un jugement définitif).

     

     
     


    Le requérant considérait, dans cette affaire qu' « en imposant que soit immédiatement déclaré démissionnaire d’office le conseiller municipal condamné à une peine d’inéligibilité, y compris lorsque le juge pénal en ordonne l’exécution provisoire, ces dispositions, telles qu’interprétées par la jurisprudence constante du Conseil d’État, porteraient une atteinte disproportionnée au droit d’éligibilité. Au soutien de ce grief, il fait valoir que ces dispositions auraient pour effet de priver l’élu concerné de son mandat avant même qu’il ait été statué définitivement sur le recours contre sa condamnation, alors qu’aucune disposition ne garantirait en outre que le juge ait pris en compte toutes les conséquences pour l’élu de l’exécution provisoire de la peine. ».

    La conclusion de la décision du Conseil Constitutionnel, c'est que l'exécution provisoire de la peine d'inéligibilité est conforme à la Constitution. En ce sens, le Conseil Constitutionnel a pris une position peu favorable à la situation de Marine Le Pen... ou un peu favorable, car tout est dans les détails, bien sûr.

    D'abord, lisons précisément la conclusion : « Sous la réserve énoncée au paragraphe 17, le renvoi opéré, au sein de l’article L. 236 du code électoral, dans sa rédaction résultant de la loi n°2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des Comptes, au 1° de l’article L. 230 du même code, est conforme à la Constitution. ».

    Le paragraphe 12 est très clair dans la formulation : « Il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d’État, telle qu’elle ressort notamment de la décision de renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité, que le préfet est tenu de déclarer immédiatement démissionnaire d’office le conseiller municipal non seulement en cas de condamnation à une peine d’inéligibilité devenue définitive, mais aussi lorsque la condamnation est assortie de l’exécution provisoire. ».

    L'argumentation de l'exécution provisoire, c'est l'efficacité et la prévention de la récidive : « Les dispositions contestées visent à garantir l’effectivité de la décision du juge ordonnant l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité afin d’assurer, en cas de recours, l’efficacité de la peine et de prévenir la récidive. » (paragraphe 13). Ajoutant : « Ce faisant, d’une part, elles mettent en œuvre l’exigence constitutionnelle qui s’attache à l’exécution des décisions de justice en matière pénale. D’autre part, elles contribuent à renforcer l’exigence de probité et d’exemplarité des élus et la confiance des électeurs dans leurs représentants. Ainsi, elles mettent en œuvre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public. » (paragraphe 14). Ce dernier point est essentiel : parce qu'il est dépositaire de la souveraineté nationale et qu'il représente les citoyens, un élu de la République doit être encore plus honnête et plus exemplaire qu'un simple citoyen. C'est le sens de la peine d'inéligibilité.

    Le Conseil Constitutionnel précise également les conditions d'une peine d'inéligibilité avec exécution provisoire : « Le juge décide si la peine doit être assortie de l’exécution provisoire à la suite d’un débat contradictoire au cours duquel la personne peut présenter ses moyens de défense, notamment par le dépôt de conclusions, et faire valoir sa situation. » (paragraphe 16).

    Dans la décision, l'expression importante est évidemment « sous la réserve énoncée au paragraphe 17 ». Quel est-il ? Lisons-le aussi : « Sauf à méconnaître le droit d’éligibilité garanti par l’article 6 de la Déclaration de 1789, il revient alors au juge, dans sa décision, d’apprécier le caractère proportionné de l’atteinte que cette mesure est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur. ».

     

     
     


    C'est là l'essentiel, le crucial : il faut une peine au caractère proportionné, et en particulier, préserver la liberté de l'électeur, ce qui signifie que l'inéligibilité doit être exécutée de manière très motivée. Ici, on parle de deux choses parallèles : la démission d'office de l'élu de son mandat en cours et son inéligibilité.

    Pour la démission d'office, il s'agit d'un arrêté du préfet, et à ce titre, il peut être contesté par un recours au tribunal administratif voire au Conseil d'État : « L’intéressé peut former contre l’arrêté prononçant la démission d’office une réclamation devant le tribunal administratif ainsi qu’un recours devant le Conseil d’État. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence constante du Conseil d’État que cette réclamation a pour effet de suspendre l’exécution de l’arrêté, sauf dans le cas où c’est à la suite d’une condamnation pénale définitive que la démission d’office est notifiée. ».

    Rappelons qu'il existe une différence importante entre parlementaire et élu local : en cas d'exécution de la peine d'inéligibilité, l'élu local est démissionné d'office (par le préfet), et ne peut pas se représenter (à aucune élection pendant la durée de la peine). Pour un parlementaire, c'est un peu différent, il n'a pas le droit de se présenter à des élections durant la durée de sa peine, mais il n'est pas démissionné d'office, il peut donc accomplir le reste de son mandat de parlementaire (c'est le cas pour Marine Le Pen : dans tous les cas, elle restera députée jusqu'à la fin de la législature, sauf si elle démissionne par sa propre volonté).

    L'élément stratégique, c'est la capacité de se représenter à une élection avant un jugement définitif. La liberté de l'électeur, ce pourrait être de pouvoir voter pour un candidat qui n'est pas encore condamné définitivement à une peine d'inéligibilité. Sauf si le juge en décidait autrement.

    Bref, pour résumer, la décision du Conseil Constitutionnel de ce vendredi 28 mars 2025 reste assez incertaine sur l'avenir judiciaire de Marine Le Pen en ce sens que le sujet ne la concernait pas. Ce qui est important de savoir, et c'est un mauvais signe pour elle, c'est que le principe même de l'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité avant tout jugement définitif n'est pas contraire à la Constitution dans son principe.

    En revanche, le juge constitutionnel a précisé les conditions de cette exécution provisoire. La première chose, c'est que la décision du juge doit résulter d'un débat contradictoire et le juge doit préciser les motivations qui l'ont conduit à prononcer l'exécution provisoire. Ces motivations sont importantes pour la défense puisque chaque mot pourra être contesté par la défense et aboutir à l'annulation de l'exécution provisoire si les motivations ne tiennent pas la route. Le deuxième élément, c'est que la peine doit correspondre à un principe de proportionnalité : la gravité d'un empêchement de Marine Le Pen à se présenter à l'élection présidentielle de 2027 alors qu'elle flirte les 30% voire 40% au premier tour est telle que l'exécution provisoire éventuelle d'une peine d'inéligibilité devra être sérieusement motivée par le juge.

    Enfin, afin de botter en touche, le Conseil Constitutionnel précise bien que sa décision s'applique aux conseillers municipaux et pas aux parlementaires, laissant ainsi la jurisprudence vacante en ce qui concerne le sort de Marine Le Pen. C'est donc une décision très habilement rédigée. (Plus exactement, cela concerne uniquement le mandat de conseillère départementale du Pas-de-Calais qu'elle a obtenu en juin 2021).

    Habile sur le fond car elle ne statue pas par avance sur une QPC éventuelle déposée par Marine Le Pen en cas d'exécution provisoire d'une peine d'inéligibilité. Habile car elle montre que le (nouveau) Conseil Constitutionnel conserve sa totale indépendance ; s'il avait décrété que l'exécution provisoire avant jugement définitif était contraire aux droits de la défense, on aurait alors dit qu'il était vendu au RN, tandis qu'il y avait déjà des soupçons d'éventuelles collusions en raison de l'abstention des députés RN. Enfin, habile aussi en ce sens que la décision laisse une totale liberté au juge du 31 mars 2025 de prononcer une peine très sévère, ou moins sévère, sans effet sur une éventuelle non-conformité aux principes constitutionnels qui guident nos libertés et nos droits.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (28 mars 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    L'avenir judiciaire de Marine Le Pen dans une décision du Conseil Constitutionnel ?
    L'installation du nouveau Conseil Constitutionnel présidé par Richard Ferrand.
    Laurence Vichnievsky.
    Philippe Bas.
    Richard Ferrand validé de justesse par le Parlement.
    Alain Juppé à la rescousse de Richard Ferrand ?
    Richard Ferrand bientôt proposé rue de Montpensier ?
    Laurent Fabius.
    Nominations au Conseil Constitutionnel en février 2010.
    Les nominations présidentielles.
    Jean-Louis Debré.
    Pierre Mazeaud.
    Yves Guéna.
    Roland Dumas.
    Robert Badinter.
    Daniel Mayer.

     

     

     

     

     

     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250328-qpc-conseil-constitutionnel.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-avenir-judiciaire-de-marine-le-260172

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/03/28/article-sr-20250328-qpc-conseil-constitutionnel.html



     

  • Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...

    « Au-delà des polémiques qui étaient son arme préférée et des affrontements nécessaires sur le fond, Jean-Marie Le Pen aura été une figure de la vie politique française. On savait, en le combattant, quel combattant il était. » (François Bayrou, le 7 janvier 2025 sur Twitter).




     

     
     


    Quand la mort d'une personnalité publique devient-elle un événement à part entière ? Je parle bien sûr d'une mort non-violente puisque les morts violentes (attentats, meurtres, accidents, catastrophes, etc.) sont en elles-mêmes, par définition, des événements. Il y a bien sûr la mort de chefs d'État ou de gouvernement, ou spirituels, comme Georges Pompidou ou les papes (excepté Benoît XVI), dont le besoin de remplacement est un événement en lui-même. Mais au-delà de l'émotion, c'est très rare : la mort de Newton, la mort de Voltaire, la mort de Victor Hugo, la mort aussi de De Gaulle, peut-être oserais-je aussi citer Johnny Hallyday ? Peut-être aussi François Mitterrand et Jacques Chirac ? (Pas Valéry Giscard d'Estaing, parti discrètement). Même les grandes stars, les grands personnages de l'État, les grands écrivains disparaissent en général dans une extinction calme, discrète et simplement émue. Faut-il rajouter à cette courte liste le "Menhir", pas pour le chagrin légitime que sa mort a provoqué pour sa famille, politique et sa famille tout court, mais au contraire pour les cris de joie qu'on a entendus Place de la République à Paris durant la nuit ? Peut-on vraiment danser sur un cadavre encore chaud et se croire sincèrement humaniste ?

    Le "rappel à Dieu" du vieux leader de l'extrême droite Jean-Marie Le Pen (dans une maison médicalisée à Garches) ce mardi 7 janvier 2025 a suscité beaucoup de réactions (et de non-réactions !). Celui qui a été élu député pour la première fois il y a soixante-neuf ans a en effet provoqué tout au long de sa vie passions, combats, polémiques et scandales et n'a laissé quasiment personne indifférent. La réaction très sobre du Premier Ministre François Bayrou était normale puisqu'au-delà du respect dû aux disparus, il doit aussi ménager Marine Le Pen à l'Assemblée Nationale et donc, évidemment, respecter son deuil.


     

     
     


    Même sobriété pour le Président de la République Emmanuel Macron : « Figure historique de l'extrême droite, il a ainsi joué un rôle dans la vie publique de notre pays pendant près de soixante-dix ans, qui relève désormais du jugement de l'Histoire. Le Président de la République exprime ses condoléances à sa famille et ses proches. ».

    Les deux têtes de l'Exécutif n'ont aucune raison de mettre dans l'huile dans des braises et provoquer une polémique supplémentaire sur Jean-Marie Le Pen alors que le gouvernement doit vivre son heure de vérité dans quelques jours. Pour les socialistes, leur réaction n'est pas sur l'événement lui-même mais sur la réaction du Premier Ministre. Quand est-ce que ces socialistes vont penser enfin par eux-mêmes ?


    Même Jean-Luc Mélenchon a été assez sobre, faisant la part de l'homme qui est parti et de ses idées qu'il veut (et doit) combattre : « Le respect de la dignité des morts et du chagrin de leurs proches n'efface pas le droit de juger leurs actes. Ceux de Jean-Marie Le Pen restent insupportables. Le combat contre l'homme est fini. Celui contre la haine, le racisme, l'islamophobie et l'antisémitisme qu'il a répandus continue. ».
     

     
     


    Mais alors, que s'est-il passé Place de la République ? Des centaines de personnes (ou des milliers ?) se sont réunies plus ou moins spontanément (merci les réseaux sociaux) pour "fêter" la mort de Jean-Marie Le Pen. Oui, Jean-Marie Le Pen a fait beaucoup de mal à son pays, mais seulement de façon tribunitienne, il a été un aiguillon malsain, mais il n'est pas un dictateur, ce n'est pas Kadhafi ni Ceausescu. On a dit qu'il avait torturé, peut-être, et si c'est le cas, c'est un scandale, mais je ne suis pas juge et cela n'a jamais été formellement établi et je suppose en plus que c'était avec la bénédiction du gouvernement socialiste de l'époque. Ces rassemblements (car il y en a aussi en province) ont été organisés par le NPA qui, insistons !, fait partie de la nouvelle farce populaire (NFP) et ont été approuvés par des responsables des insoumis (comme Mathilde Panot qui a pensé que c'était "normal").

    Quelle honte que ces gens-là ! Qui sont-ils ? Apparemment, surtout des jeunes, donc pas les jeunes en masse qui ont voté Jacques Chirac en 2002 (ils ont maintenant vingt-trois ans de plus, au mieux des quadragénaires !). Des jeunes sans respect, sans repère, sans référence, qui pensent lutter contre l'extrême droite en l'aidant à se victimiser. Car c'est bien cela, la gauche la plus débile du monde, c'est de croire qu'on peut lutter contre la haine par la haine elle-même. Un discours, des actes complètement contre-productifs !

     

     
     


    Le Ministre d'État, Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau l'a bien compris d'ailleurs, en réagissant en début de soirée par ces mots forts : « Rien, absolument rien ne justifie qu'on danse sur un cadavre ». Fêter la mort d'un vieillard qui, depuis au moins 2015, n'a plus participé au débat national, quelle preuve de courage, quelle victoire ! Ont-ils compris que le danger, si danger il y a (ce que je crois), ne vient plus de Jean-Marie Le Pen, un presque centenaire qui ne pouvait plus se déplacer facilement et placé en maison médicalisée depuis plusieurs mois ? Pensent-ils que l'efficacité des comités "Ras le front" dans les années 1990-2000, c'était d'attendre tranquillement la mort naturelle du leader charismatique de tout ce qu'ils détestent ? Où est la victoire politique ? Quel aveu d'impuissance, surtout !

    Il y a une violence effroyable à s'en prendre à un mort. Il n'y a que les terroristes du Hamas qui refusent de redonner les corps de leurs victimes à leur famille. C'est, avec la libération des otages, l'une des revendications de l'État d'Israël pour arrêter la guerre contre ce groupe terroriste à Gaza. Tous les modérés de droite, du centre et de gauche, sont ulcérés de voir ces agissements qui ne sont pas dignes d'un pays civilisé et cultivé, ou tout simplement, qui ne sont pas dignes d'être humain. Plus cette gauche débile montre son irrespect des valeurs fondamentales, plus elle place l'extrême droite dans la position de garante de ces valeurs fondamentales, ce qui me désole.


     

     
     


    À l'annonce du décès, Marion Maréchal (la petite-fille), Marie-Caroline et Yann (les deux filles aînées), individuellement, se sont rendues auprès de leur grand-père et père à Garches dans un établissement protégé par la police. On imagine qu'il faudra mobiliser beaucoup de forces de police samedi 11 janvier 2025 pour l'enterrement à la Trinité-sur-mer et éviter tous les dérapages possible de la gauche débile sans valeurs.

    Quant à Marine Le Pen, elle revenait de Mayotte et a appris la nouvelle à une escale à Nairobi. Malgré les désaccords stratégiques graves qu'elle a eus avec son père au point de le virer du parti qu'il a fondé (elle a tué, politiquement, le père pour de bon), mais après aussi une réconciliation il y a trois ans, on imagine la perte d'un père. Elle a juste tweeté le 8 janvier 2025 : « Un âge vénérable avait pris le guerrier mais nous avait rendu notre père. La mort est venue nous le reprendre. Beaucoup de gens qu'il aime l'attendent là-haut. Beaucoup de gens qui l'aiment le pleurent ici-bas. Bon vent, bonne mer Papa ! ». À votre avis, qui de la fille ou de ces militants irrespectueux de la Place de la République vont susciter de la sympathie aux Français ? La réponse est évidente.

    Gauche débile, mais extrême droite tenace aussi. Le politiquement correct d'un RN aseptisé et délepénisé n'a pas tenu longtemps si l'on lit le tweet complet de Jordan Bardella : « Jean-Marie Le Pen est mort. Engagé sous l'uniforme de l'armée française en Indochine et en Algérie, tribun du peuple à l'Assemblée Nationale et au Parlement Européen, il a toujours servi la France, défendu son identité et sa souveraineté. Je pense aujourd'hui avec tristesse à sa famille, à ses proches, et bien sûr à Marine Le Pen dont le deuil doit être respecté. ». La filiation du FN/RN avec son fondateur est clairement assumée. Même idées, même programme, même si c'est emballé de manière plus subtile et trompeuse. Du home-staging en quelque sorte.

    Les chaînes d'info continue avaient prévu de parler des dix ans des attentats de "Charlie Hebdo" et voici qu'en milieu de journée, la disparition de Jean-Marie Le Pen est arrivée, plongeant les rédactions dans la stupeur. Dans le meilleur rôle, CNews avait évidemment quelques longueurs d'avance dans ce rayon. Son invité du soir, Bruno Gollnisch, ancien numéro deux du FN et probable Premier Ministre en cas de victoire électorale en 2002, a assuré que Jean-Marie Le Pen voulait le pouvoir. Qu'il s'agissait d'une rumeur urbaine de croire qu'il a tout fait pour ne pas avoir le pouvoir. Il lui disait ainsi qu'on laissait croire qu'on lui avait proposé le pouvoir et qu'il l'avait refusé, mais ce n'était pas ça, il n'a simplement pas réussi à la conquérir. De plus, son désaccord avec sa fille était sur la méthode : il pensait que la "dédiabolisation" se ferait naturellement au fur et à mesure que l'audience électorale du parti d'extrême droite grandirait, sans changer ni édulcorer ses positions.


     

     
     


    On disait bien avant la mort de Georges Marchais que son remplaçant dans le style "grande gueule politique" était Jean-Marie Le Pen. Depuis une dizaine d'années (au moins), on peut dire sans hésitation que le remplaçant de Jean-Marie Le Pen est Jean-Luc Mélenchon avec quatre signes qui ne trompent pas : dire n'importe quoi, avec un grand talent, avec beaucoup d'écho médiatique et susceptible d'influencer beaucoup de monde ! Quand au fond intellectuel, on pense bien sûr à Éric Zemmour, mais la personnalité sanguine n'a rien à voir avec cet éditocrate cérébral.

     

     
     


    Si l'on prend l'homme qu'était Jean-Marie Le Pen, on pouvait sans doute s'agacer des propos volontiers sexistes, machistes qu'il tenait en privé, mais il avait aussi beaucoup d'humour, riait voire chantait (comme un légionnaire), il était bon vivant, a su entraîner beaucoup d'adhésion, d'espérance (lui-même parlait pour sa propre mort d'un « espoir d'espérance »). Une petite preuve de son humour avec cette émission en direct du fameux "Tribunal des flagrant délire" avec Claude Villers pour juge, Pierre Desproges pour procureur et Luis Rego pour avocat du prévenu... Jean-Marie Le Pen lors de l'audience du 28 septembre 1982 (l'une des rares émissions filmées) à une époque où il n'était pas encore un danger (mais avait déjà largement exprimé ses positions d'extrême droite : ses interlocuteurs rieurs ne pouvaient pas être taxés d'amis politiques).

    Au fond, quand on parle de "grande gueule politique", d'influencer, de dire n'importe quoi, de provoquer, cela ne vous rappelle-t-il pas quelqu'un ? Bien sûr, Donald Trump, qui se réinstallera à la Maison-Blanche dans moins de deux semaines, qui fait partie de ce même bois, insubmersible (et peut-être aussi durable).

    Indépendamment de la personnalité politique qui pouvait manier la mauvaise foi et l'insulte, Jean-Marie Le Pen, par sa bonne connaissance de la vie politique française, était capable d'excellentes analyses politiques avec des perspectives historiques, comme c'est souvent le cas pour des militants d'extrême droite (je pense à Patrick Buisson).

    Alors non ! Il ne faut pas danser sur un cadavre chaud, d'autant plus qu'il n'était plus depuis longtemps une menace pour la France. Mais ses idées sont toujours là, ont fleuri, se sont consolidées. Le meilleur moyen de les combattre, c'est d'abord de respecter le deuil des proches, c'est la moindre des choses, et ensuite de rappeler ce qu'est être français par Manuel Valls le 9 janvier 2016 : « Être français, ce n’est pas renoncer à ses origines, ce n’est pas renoncer à son identité, c’est les verser au pot commun. C’est une citoyenneté qui n’est pas petite, qui n’est pas réduite à l’origine de chacun, du sang, du sol ou par naturalisation, mais qui est grande, ouverte, fondée sur la volonté de construire l’avenir ensemble ! C’est ce nouveau patriotisme que j’appelle de mes vœux ! » (au fait, ne vous ai-je pas dit que je ne me lasserais jamais de citer ces paroles ?).



    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (08 janvier 2025)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Jean-Marie Le Pen : extrême droite tenace et gauche débile...
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
    Procès de Marine Le Pen : surprise de gazelles et cynisme de vieux loups.
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    Législatives 2024 (18) : la fin du cauchemar Bardella (pour le moment).
    Fake news : la scandaleuse manipulation politique du RN.
    Législatives 2024 (12) : un isoloir, ce n'est pas un cabine d'essayage !
    Législatives 2024 (11) : front, rassemblement, union nationale, barrage, consignes de vote...
    Législatives 2024 (10) : il était une fois Jordan Bardella, Gabriel Attal et Manuel Bompard.
    Législatives 2024 (9) : Emmanuel Macron et son n'ayez-pas-peur !
    Jean-Marie Le Pen, retour aux sources du RN.
    Législatives 2024 (2) : clarification ou chaos ?
    Législatives 2024 (1) : vaudeville chez Les Républicains.
    Élections européennes 2024 (4) : la surprise du chef !
    Le débat Gabriel Attal vs Jordan Bardella du 23 mai 2024.
    Débat Valérie Hayer vs Jordan Bardella : l'imposture démasquée de Coquille vide.
    Ukraine : Claude Malhuret se gausse de Jordan Selfie !
    Ukraine : Gabriel Attal attaque durement le RN et Marine Le Pen !
    Sondage secret : en cas de législatives anticipées, une victoire du RN ?
    FN/RN : fais-moi peur ! (27 octobre 2015).
    Marine Le Pen en tête dans un sondage : attention au buzz !
    Christine Boutin.
    André Figueras.
    Patrick Buisson.

    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
    Jordan Bardella.
    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
    Éric Caliméro Zemmour.
    Jean-Marie Le Pen et sa marque dans l'histoire.
    La tactique politicienne du RN.
    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20250108-jean-marie-le-pen.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/jean-marie-le-pen-extreme-droite-258554

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2025/01/08/article-sr-20250108-jean-marie-le-pen.html



     

  • Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage

    « Je me pose un certain nombre de questions. Je ne dis pas que les chambres à gaz n’ont pas existé. Je n'ai pas étudié spécialement la question, mais je crois que c'est un point de détail de l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale. » (Jean-Marie Le Pen, le 13 septembre 1987 sur RTL).



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    Sa famille a annoncé la mort de Jean-Marie Le Pen ce mardi 7 janvier 2025 à midi à Garches, dans les Hauts-de-Seine. Il était dans sa 97e année et devait être jugé en même temps que sa fille Marine Le Pen pour l'affaire des assistants parlementaires. C'est un peu par hasard qu'il a cofondé le Front national en 1972 qui allait devenir le Rassemblement national.

    J'aurai du mal à verser une larme sur ce dinosaure de la vie politique française, qui a survécu à la "Bande des Quatre" qu'il a tant fustigée dans les années 1980 (François Mitterrand, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac et Georges Marchais). Mais je lui reconnais le talent politique que sa fille est loin d'avoir hérité : Jean-Marie Le Pen était un homme qui a dit n'importe quoi, qui a fait dans la provocation, qui s'est laissé aller dans ses déclarations parce que son ego l'encourageait à ne pas ménager le système médiatico-politique, mais il avait une grande connaissance de la France politique d'après-guerre (il était député sous la Quatrième République !). Marine Le Pen serait plutôt une imposture puisqu'elle essaie de gommer tout ce qui, au contraire, pourrait provoquer de l'indignation afin d'appâter un électorat raisonnable (au moins, avec son procès, c'est clair, le RN fait partie du système politique tant dénoncé par son père !). Mais c'est le même parti, c'est le même nom, c'est la même famille, et surtout, ce sont les mêmes idées. Jean-Marie Le Pen avait au moins une grande culture politique, on était loin de la tiktokisation de vie politique par bardellisation sociétale.

    Avec Jean-Marie Le Pen se tourne donc une page de l'histoire politique de la France. Certains étaient moins clairvoyants que d'autres. François Mitterrand, c'est désormais prouvé, a délibérément favorisé à la télévision (qui n'était que publique), en 1984, l'ascension médiatique de Jean-Marie Le Pen et comme celui-ci avait du talent, celui d'orateur, il a saisi sa chance et l'a beaucoup trop bien fait fructifier pour les socialistes puisque ceux-ci ont été privés de second tour présidentiel en 2002 à cause de ce monstre qu'ils avaient eux-mêmes créé. Exit Lionel Jospin.


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    Jean-Marie Le Pen a toutefois utile à la vie politique car il a démontré l'excellence démocratique de la Cinquième République puisqu'un parti ne valant que 0,7% des voix en 1974 pouvait atteindre les sommets qu'on connaît depuis une vingtaine d'années. Emmanuel Macron a prouvé aussi qu'un nouveau parti politique pouvait obtenir la majorité absolue à l'Assemblée Nationale dès lors qu'il était capable de provoquer suffisamment d'échos médiatiques.

    Au moins, l'inspiration du RN n'est plus cachée : Jordan Bardella a émis une vibrant hommage à celui qu'on pourrait appeler son beau-grand-père. Faut-il rappeler l'idéologie de ce parti ? Jean-Marie Le Pen avait bien précisé, à la fin de sa vie, encore l'année dernière, que ses provocations verbales n'étaient pas des dérapages et qu'il pensait vraiment ce qu'il disait.

    "Le Monde" a fait un petit résumé il y a dix ans, à l'époque où justement Marine Le Pen, par ambition, s'est sentie obligée d'exclure son père pour rester politiquement correcte (Albert Camus avait plus le sens de la famille). Comparez avec les petites phrases reprochées à Emmanuel Macron depuis dix ans.


     


    Toute la classe politique n'avait pas compris exactement le phénomène Le Pen. Par exemple, en 1984, Jacques Chirac avait pensé que ce ne serait qu'un épiphénomène provisoire, motivé par la gauche au pouvoir et l'exacerbation de l'opposition de droite, et que dès 1986, tout rentrerait dans l'ordre. C'était évidemment une erreur, et on peut saluer le courage de Jacques Chirac, pourtant assez changeant dans ses convictions, par ses valeurs républicaines qui ont fait qu'en tant que président du RPR, il a été intraitable pour rejeter tout soupçon d'alliance avec le FN. Rappelons qu'à l'époque, François Mitterrand encourageait le FN (accès aux médias, proportionnelle qui a fait élire 36 députés FN, etc.).

    Pas étonnant que l'adversaire politique le plus grand de Jean-Marie Le Pen était, selon ce dernier, Jacques Chirac (et pas un responsable de gauche). Le combat final entre les deux hommes, le seul d'ailleurs, cela a été au second tour de l'élection présidentielle de 2002 et s'est terminé sans appel : 82,2% pour le Président gaulliste sortant, 17,8% pour le candidat de l'extrême droite. On rêve sans doute de cette époque, pas si lointaine (vingt-trois ans, une génération quand même), car cet écart s'est dangereusement rétréci, avec l'absence de la gauche au second tour, puisque Marine Le Pen a atteint 41,4% face à Emmanuel Macron 58,6%.

    Alors, en ce jour où le relativisme politique sera à fond avec certains hommages indécents à Jean-Marie Le Pen, je rappellerai simplement quelques phrases du Président Jacques Chirac à la fin de son second mandat le 11 mars 2007, sa dernière allocution télévisée, aussi sa dernière occasion de s'exprimer aux Français : « Au nom de la confiance que vous m'avez témoignée, je voudrais vous adresser plusieurs messages. D'abord, ne composez jamais avec l'extrémisme, le racisme, l'antisémitisme ou le rejet de l'autre. Dans notre histoire, l'extrémisme a déjà failli nous conduire à l'abîme. C'est un poison. Il divise. Il pervertit, il détruit. Tout dans l'âme de la France dit non à l'extrémisme. Le vrai combat de la France, le beau combat de la France, c'est celui de l'unité, c'est celui de la cohésion. Oui, nos valeurs ont un sens ! Oui, la France est riche de sa diversité ! Oui, l'honneur de la politique, c'est d'agir d'abord pour l'égalité des chances ! C'est de permettre à chacun, à chaque jeune, d'avoir sa chance. Ce combat, malgré tous les obstacles, et même si je mesure le chemin qui reste à parcourir, il est désormais bien engagé. Il doit nous unir dans la durée. C'est l'une des clefs de notre avenir. ».

    Pour l'heure, la panthéonisation de Jean-Marie Le Pen est exclue ! Mais sait-on jamais...



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    Sylvain Rakotoarison (07 janvier 2025)
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    Pour aller plus loin :
    Mort de Jean-Marie Le Pen : la part de l'héritage.
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    Christine Boutin.
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    Rassemblement national : objectif 2027... ou avant !
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    Le nouveau JDD et la récupération des Enzo...
    Geoffroy Lejeune.
    Attention, un train de violence peut en cacher un autre...
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    La sanction disciplinaire la plus lourde de la Cinquième.

    Louis Aliot.
    Le congrès du RN.
    Grégoire de Fournas.
    Incident raciste : 89 nuances de haine à la veille du congrès du RN ?

    Le Front national des Le Pen, 50 ans plus tard...

     

     

     

     
     



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  • Le paysage politique français postcensure

    « Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à faire des pas les uns vers les autres, à dépasser les tensions et les clivages qui font tant de mal à notre pays, à n’avoir comme boussole que l’intérêt général. Ce qui devrait nous rassembler, c’est la politique, au sens où je l’entends, qui consiste à créer du progrès collectif, parfois de petits progrès, parfois de grands progrès pour les Français, et de la stabilité. Les citoyens, les entreprises, les acteurs sociaux et économiques en ont tant besoin et si forte envie. » (Michel Barnier, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Contrairement à ceux des députés censeurs qui ont tenté de dédramatiser l'adoption de la motion de censure, le 4 décembre 2024 contre le gouvernement Barnier, cette adoption a provoqué un bouleversement politique majeur et beaucoup de choses changent dans la situation politique. C'est ce paysage politique français postcensure qui est assez différent de celui d'avant la censure. Pour autant, ce n'est pas un paysage apocalyptique postnucléarisé.

    Comme je l'indiquais précédemment, cette motion de censure a remis sur le devant de la scène politique le Président de la République Emmanuel Macron, par nécessité puisqu'il doit, constitutionnellement, nommer le nouveau Premier Ministre. C'est paradoxale car la collusion des populistes irresponsables et cyniques, d'extrême droite et d'extrême gauche, avait justement pour but de mettre hors-jeu le Président de la République. C'est raté !

    Au contraire, Emmanuel Macron s'est investi à la tâche. Après avoir rencontré individuellement la plupart des partis politiques, hors extrêmes, ce lundi 9 décembre 2024, c'est au tour, le lendemain à 14 heures à l'Élysée, d'une réunion collective dans un format "Saint-Denis". Les partisans d'un régime exclusivement parlementaire pourraient s'offusquer que cette réunion ait lieu sous l'autorité du Président de la République, mais ces députés pouvaient depuis le 7 juillet 2024 se réunir à l'Assemblée Nationale. Comme ils en étaient incapables par eux-mêmes, il a bien fallu que le Président de la République, à la fois le véritable arbitre des élégances et le de nouveau maître des horloges, s'en occupât lui-même.

     

     
     


    Les journalistes qui, la veille de la censure, avaient cru comprendre d'un conseiller du Palais que le Président de la République nommerait le nouveau Premier Ministre en vingt-quatre heures, ont visiblement été mal informés. Non seulement Emmanuel Macron prend du temps, mais à l'heure actuelle, si le nouveau locataire de Matignon était nommé à la fin de cette semaine, ce serait déjà un bel exploit. On sait qu'Emmanuel Macron a toujours voulu prendre son temps dans les nominations, et en plus, se tromper pourrait ici avoir de graves conséquences institutionnelles.

    De plus, le fait qu'un conseil des ministres a été convoqué pour le 11 décembre 2024, malgré le caractère démissionnaire du gouvernement, pour adopter le projet de loi spéciale qui reconduira pour le 1er janvier 2025 la loi de finances pour 2024, ce qui permettra de continuer à collecter les impôts et à payer les fonctionnaires sans nouveau budget, dans l'attente de celui-ci, laisse ainsi un peu de temps à la nomination du prochain gouvernement, car il n'y aura plus d'urgence budgétaire.

    Du reste, le casting n'est pas la principale tâche du Président de la République. Son objectif est plutôt de conclure un accord de non-censure avec l'ensemble des formations politiques de l'arc de gouvernement, de LR au PCF en passant par EPR (macronistes) et le PS, en sachant qu'à eux deux, le RN et FI ne pourraient pas faire adopter une motion de censure (140 députés RN et alliés et 71 députés insoumis ne font pas 289).

     

     
     


    Au-delà de cette remise à l'avant-scène d'Emmanuel Macron, ce dernier a quand même réussi un double voire triple exploit le samedi 7 décembre 2024 avec la réouverture de Notre-Dame de Paris. D'une part, c'est un exploit diplomatique car il a réussi à convaincre Donald Trump de venir à Paris, et cela a montré à l'évidence que malgré ses déboires intérieurs, Emmanuel Macron n'était pas isolé. C'est d'ailleurs à peu près l'un des rares chefs d'État ou de gouvernement que Donald Trump connaît bien à son retour à la Maison-Blanche, avec Georgia Meloni et Viktor Orban (et Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, bien sûr). D'autre part, le délai respecté de cinq ans pour reconstruire la cathédrale a montré que le volontarisme politique pouvait fonctionner, même avec des défis audacieux, et disons-le, un peu fous, et cela a apporté la confirmation d'une composante jupitérienne au chef de l'État, quoi qu'on en dise. Enfin, ce week-end a été l'occasion pour les Français d'être fiers d'eux-mêmes, d'être à nouveau le centre du monde, et dans ce climat de dénigrement généralisé, c'est toujours bon à prendre, et avec la trêve des confiseurs qui va se profiler rapidement à partir de mi-décembre jusqu'au début de janvier prochain, cela fait repenser à la trêve olympique qui a mis le monde politique en suspension pendant tout l'été.

     

     
     


    En face du Président de la République, il y a eu des évolutions notables dans la classe politique. Si LR a confirmé son esprit de responsabilité déjà démontré avec la nomination de Michel Barnier à Matignon (on aurait aimé que LR l'adoptât dès juin 2022, ce qui aurait évité la dissolution), d'autres partis ont évolué énormément dans leur approche du problème. La fable insoumise d'une victoire de la nouvelle farce populaire (NFP) a été enfin jetée à la poubelle pour prendre en compte la réalité arithmétique de l'Assemblée.

    C'est le parti socialiste qui a bougé le plus ses lignes, en acceptant l'idée d'un accord de non-censure avec le reste de l'arc de gouvernement. Sur son sillon, il a amené également les écologistes et les communistes, ce qui a pour conséquence d'isoler politiquement les insoumis. Jean-Luc Mélenchon enrage actuellement de ne plus rien contrôler du NFP. Il enrage mais il n'est pas non plus si mécontent que cela, car il sait que cela l'aidera à l'élection présidentielle pour convaincre qu'il serait la seule "alternative" possible à gauche, au contraire des "sociaux-traîtres".

     

     
     


    Le premier secrétaire du PS Olivier Faure, pourtant considéré comme ultramélenchonisé, a lui aussi changé de pied : la perspective du prochain congrès socialiste et sa forte impopularité parmi les militants et surtout parmi les grands élus territoriaux (maires de grandes villes et présidents de conseils régionaux) l'ont incité à modifier sa tactique.

    Comme l'a expliqué Carole Delga, la très écoutée présidente du conseil régional d'Occitanie, qui est favorable à un accord de gouvernement, dans "La Tribune Dimanche" le 8 décembre 2024 : « Face à une crise exceptionnelle, et à un haut niveau d'irresponsabilité de beaucoup de politiques (…), nous devons être à la hauteur pour notre pays. Les Français nous en veulent. Ils sont déboussolés, désespérés par le spectacle que donne la classe politique, inquiets de l'avenir sur les plans social, économique et climatique. Loin des jeux d'appareils et des ambitions présidentielles, tout doit être mis en œuvre pour l'adoption du budget de la France dans les prochaines semaines. ».


    La pire irresponsabilité est sans doute la censure d'un ancien Président de la République, d'autant plus que François Hollande aurait même été à mélenchoniser dans une réunion socialiste en expliquant que le Président de la République devrait partir après l'adoption d'une motion de censure (ce sont des propos rapportés et pas confirmés par l'intéressé). L'emmurement (au sens propre) de sa permanence électorale en Corrèze par des agriculteurs en colère l'a un peu refroidi : aujourd'hui, il n'ose plus beaucoup intervenir dans le débat public.

    À l'extrême droite, la situation aussi a évolué. Comme le disait Gabriel Attal, qui vient d'être élu secrétaire général de Renaissance : « Chassez le naturel, il revient au chaos ! ». L'évolution date en fait des réquisitoires très sévères du parquet contre Marine Le Pen et ses sbires dans le procès fleuve des assistants parlementaires du RN. Elle risque l'inéligibilité immédiatement exécutoire. Le vote de la motion de censure des insoumis, qui fustigeait une nouvelle loi Immigration et la remise en cause de l'aide médicale d'État, en évoquant les « plus viles obsessions » du RN, a rendu un peu dubitatifs, sinon dérouté, les militants du RN. Surtout, ceux qui avaient cru que la respectabilité, la tactique de la cravate, devait les mener au pouvoir. Les agriculteurs en colère en veulent aux députés RN d'avoir voté la censure car les mesures qu'ils avaient obtenues ont été éliminées par la censure.


     

     
     


    Pour preuve les résultats de la première élection législative partielle depuis le 7 juillet 2024. C'est intéressant car ce sont des signaux faibles qui ne sont pas sans signification. Actuellement, trois sièges de députés sont vacants et deux autres élections législatives partielles seront organisées au début de 2025 (pour les circonscriptions d'Hugo Prevost à Grenoble et de Stéphane Séjourné à Boulogne-Billancourt). Celle qui a eu lieu les 1er et 8 décembre 2024 concerne la première circonscription des Ardennes, celle de Charleville-Mézières.

    En juin 2022, cette circonscription a été conquise par Lionel Vuibert, candidat macroniste, alors que la députée sortante, qui ne se représentait pas, était LR. Le candidat LR a obtenu près de 300 voix de moins que son concurrent macroniste au premier tour et s'est désisté en sa faveur. Au second tour, Lionel Vuibert a gagné avec 200 voix d'avance sur le candidat RN pour une participation de 45,1%.

    Cet été 2024, Lionel Vuibert a perdu largement le second tour avec plus de 2 500 voix de retard sur son jeune concurrent RN Flavien Termet, avec une participation de 67,5%, alors que le candidat macroniste n'avait plus de candidat LR sérieux au premier tour (la candidate officielle de LR n'a fait que 3,8% au premier tour). Flavien Termet, le benjamin de l'Assemblée que certains députés sectaires de gauche n'ont pas voulu saluer au moment de voter pour l'élection au perchoir, a démissionné le 30 septembre 2024 pour des raisons médicales graves. Il aurait aussi quitté le RN en mauvais termes (selon certains journalistes).

    En décembre 2024, la participation a chuté, comme dans les partielles en général, néanmoins, c'est important de noter le résultat. Le candidat RN a fait mieux au premier tour en pourcentages que Flavien Termet en juin (39,1% au lieu de 38,3%) tandis que Lionel Vuibert a fait un peu moins en pourcentages qu'il y a cinq mois (25,4% au lieu de 26,2%), cette fois-ci, concurrencé par un candidat LR qui a fait 16,0% au premier tour (avec une participation de seulement 30,5%). Au second tour, Lionel Vuibert a réussi néanmoins à reconquérir la circonscription en gagnant face au candidat RN avec près de 400 voix d'avance. Il a bénéficié du soutien de LR au second tour. Certes, la participation au second tour était très faible aussi, 30,9%, mais la différence en nombre de voix est quand même notable puisqu'il a gagné avec plus d'écart en voix en décembre 2024 qu'en juin 2022 avec une participation 50% plus grande.


    On ne peut bien sûr pas généraliser au niveau national, mais cela montre cependant que le RN n'a pas su mobiliser ses propres électeurs pour l'emporter, sans doute en raison d'une censure qui est peu compréhensible : pourquoi avoir joué le jeu de la respectabilité pendant trois mois, puis tout d'un coup, se ranger comme Jean-Luc Mélenchon, c'est-à-dire enrager ? Il faut aussi rappeler que depuis plusieurs années, l'abstention nuit au RN au contraire des décennies précédentes où c'était le contraire.

     

     
     


    Mais retour à la situation du moment. Les noms des possibles successeurs de Michel Barnier à Matignon passent à une vitesse folle : Sébastien Lecornu, François Bayrou, Bruno Retailleau, François Baroin, Catherine Vautrin, Bernard Cazeneuve, Manuel Valls (oui, on a parlé de lui !!), Pierre Moscovici, Didier Migaud, Laurent Berger, Thierry Beaudet, et même... François Villeroy de Galhau, supposé être de gauche et gouverneur de la Banque de France depuis novembre 2015. J'ai l'intuition que si c'est ce dernier, son gouvernement sera très impopulaire...


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (10 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    Le paysage politique français postcensure.
    Motion de sangsue : les conséquences économiques désastreuses de la censure.
    Philippe Vigier défend les Français face au renoncement national.
    Laurent Wauquiez met en garde contre l'instabilité institutionnelle.
    Emmanuel Macron face à ses choix.
    Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 5 décembre 2024 (texte intégral).
    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241209-paysage-politique-postcensure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/le-paysage-politique-francais-258081

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  • La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !

    « Malgré des années d’efforts pour tenter de faire croire aux Français que vous seriez responsables, prêts à gouverner, ce que nous confirme le moment que nous vivons, c’est que tout cela n’était que du vent. Chassez le naturel, il revient au chaos ! » (Gabriel Attal, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    La journée parlementaire du mercredi 4 décembre 2024 a été historique en ce sens qu'elle a conclu par l'adoption d'une motion de censure pour la seconde fois de toute l'histoire de la Cinquième République. Une motion de censure qui a rassemblé les votes à la fois de l'extrême gauche de la nouvelle farce populaire (NFP) et de l'extrême droite qui se voulait pourtant constructive. Revenons à la teneur du débat parlementaire et des discours des principaux orateurs.

    À l'évidence, le président du groupe EPR à l'Assemblée, Gabriel Attal, a été le plus percutant, prenant date pour l'avenir, pour pourfendre à la fois l'hypocrisie de l'extrême droite et le cynisme d'une certaine gauche. Il était l'avant-dernier orateur avant la réponse du Premier Ministre.

    Contre le RN, Gabriel Attal a attaqué très fortement la stratégie du chaos du RN : « Quel Français pourra se dire que grâce à la chute du gouvernement et à l’instabilité que cela provoquera, son quotidien s’améliorera ? Aucun ! La vérité, c’est que l’adoption de cette motion de censure ne ferait que des perdants, au premier rang desquels les plus modestes, les classes moyennes, les travailleurs. Parce que quand la crise frappe, quand l’instabilité s’installe, quand le chaos rôde, ce sont toujours ceux qui triment qui payent les pots cassés. Mais le Rassemblement national s’en moque. (…) Oui, les députés lepénistes mentent quand ils font croire aux Français que c’est pour les défendre, eux, et défendre leur pouvoir d’achat qu’ils votent la motion de censure. Il n’en est rien ! Les députés lepénistes mentent quand ils tentent de faire croire que le chaos qu’ils sèment ne serait pas de leur faute. Je crois que vous le sentez déjà : pour vous faire du bien, vous faites mal au pays et mal aux Français. Je crois que vous êtes déjà en train de sentir que les Français sont inquiets de cette censure annoncée. Vous sentez qu’ils aspirent à la stabilité et à la sérénité. Vous sentez déjà que vous faites une erreur devant l’histoire. Mais vous ne pouvez pas vous en empêcher, c’est plus fort que vous, c’est votre nature. Alors vous cherchez à rejeter sur d’autres la responsabilité que vous prenez, seuls, de faire tomber le gouvernement de la France. Auriez-vous déjà la censure honteuse ? Est-ce pour cela que matin, midi et soir, vous courez les plateaux de télévision pour vous évertuer à faire croire que vous ne seriez pas les responsables et que même si les quatre groupes du socle commun soutiennent le gouvernement, qu’il n’a jamais été question pour aucun d’entre nous d’appuyer sur le bouton de la censure, le coupable serait le socle commun. Pas un Français ne croit à ce mensonge, pas un ! La politique, c’est prendre des décisions et surtout, je crois, les assumer. Alors, mesdames, messieurs les députés lepénistes, assumez votre décision, assumez le désordre, assumez l’alliance avec LFI, assumez l’instabilité, assumez l’affaiblissement de la France, assumez votre irresponsabilité ! Madame Le Pen, je vous ai écoutée attentivement dans votre tentative désespérée de vous exonérer de vos responsabilités. ».


    Gabriel Attal a commencé son intervention par une citation de Tocqueville : « Il y a tant à dire sur l’alliance entre LFI et le RN qui est en train de se nouer, conformément à l’analyse de Tocqueville qui écrivait qu’ "en politique, la communauté des haines fait presque toujours le fond des amitiés". Il y a vraiment tant à dire, mais je crois que l’essentiel pourrait tenir en une phrase : nous en sommes au point où les Français n’écoutent plus les politiques. En effet, tout cela tourne désormais à vide, la politique française est malade et nous venons d’avoir la confirmation dans les interventions précédentes que ce n’est ni à l’extrême gauche ni à l’extrême droite que les Français pourront trouver l’antidote. (…) Il semble aujourd’hui que l’extrême droite et l’extrême gauche aient décidé de baisser ensemble le pouce, comme naguère à Rome lorsqu’il fallait condamner un gladiateur après le combat. (…) Dans le camp du désordre, le Rassemblement national n’est pas seul, il le partage avec l’extrême gauche qui y a déjà ses habitudes. Motion de censure après motion de censure, outrance après outrance, hurlement après hurlement, l’alliance de la gauche emmenée par Jean-Luc Mélenchon ne poursuit qu’un seul projet : tout piétiner, tout gâcher et tout taxer. ».

    Et l'ancien Premier Ministre s'est adressé tout particulièrement aux socialistes pour en appeler à leur sens des responsabilités : « Je pense à ceux qui, il y a sept ans à peine, gouvernaient encore la France, ceux qui comptent dans leurs rangs des élus sincères, convaincus que la laïcité n’est pas un gros mot, que la compétitivité est nécessaire et que la stabilité est indispensable, ceux qui, depuis le congrès d’Épinay, unissaient la gauche autour de leurs valeurs et ne se soumettaient pas comme aujourd’hui à celles de l’extrême gauche. À ceux-là, nous disons qu’on peut s’opposer sans tout gâcher, qu’on peut s’opposer sans censurer… Affranchissez-vous ! Nous préférons voir le courage de ces quelques députés de gauche qui ont fait preuve d’indépendance en refusant de signer et d’apporter leurs voix à la motion de censure signée par Jean-Luc Mélenchon. Nous préférons voir qu’au sein de la gauche et des députés indépendants, des voix responsables se sont élevées pour dénoncer la politique du pire (…). Nous préférons porter l’espoir qu’un jour (…), la gauche républicaine, la gauche de gouvernement, celle qui a eu l’honneur par deux fois de donner un Président à la France, se ressaisisse et se mette autour de la table avec nous pour, enfin, agir vraiment pour les Français. ».

    Prenant un exemple parmi d'autres : « Chers collègues socialistes, au début de la séance, M. Mélenchon était dans les tribunes pour assister à nos débats. Il a écouté religieusement l’orateur de la France insoumise et Mme Le Pen, puis il s’est levé et est parti au moment même où Boris Vallaud prenait la parole. Il la respecte plus qu’il ne vous respecte ! Que faites-vous encore avec son parti ? ».


    Le premier orateur était Éric Coquerel pour défendre la première motion de censure déposée par l'extrême gauche. Il a basé tout son discours sur la supposée « illégitimité » du Premier Ministre, oubliant en cela la Constitution (quand ça l'arrange) et en attaquant sévèrement le gouvernement : « Vous avez montré que les seuls compromis que vous étiez prêt à admettre étaient ceux que vous négociez avec vous-même. Vous n’avez pas esquissé le moindre mouvement en faveur des amendements adoptés dans cette chambre. Vous ne l’avez fait ni pour le budget de la sécurité sociale, alors que nous réglions une grande partie des déficits des comptes sociaux, par exemple en instaurant des cotisations sur les dividendes, ni pour celui de l’État, alors que nous avions trouvé 56 milliards d’euros en revenant sur les cadeaux fiscaux éhontés faits aux ultrariches et aux très grandes entreprises depuis 2017. Or ces recettes supplémentaires permettaient d’éviter d’augmenter les taxes sur l’électricité ou de diminuer le pouvoir d’achat des actifs et des retraités. Elles permettaient aussi de maintenir le déficit sous les 3% du PIB, ce qui laissait une plus grande latitude pour investir dans l’écologie, l’éducation et la santé. ».

    Le plus cocasse, c'était de pourfendre une prétendue collusion avec le RN alors que c'est le NFP lui-même qui allait mêler sa voix avec celle du RN : « Vous avez finalement tenté des compromis, mais avec l’extrême droite. Vous avez privilégié le Rassemblement national en violation du barrage républicain qui a rassemblé une majorité de voix en juillet dernier, alors que vous auriez dû au moins vous en faire le garant. Cette compromission n’empêchera pas votre chute. Vous chuterez de surcroît dans le déshonneur puisque vous étiez prêt à remettre en question l’aide médicale de l’État (AME). Jusqu’au bout, vous ou vos ministres, comme M. Retailleau hier lors de la séance de questions au gouvernement, avez invoqué des valeurs communes avec l’extrême droite afin d’éviter que ses députés ne votent la censure. En aspirant à un front réactionnaire, vous insultez tous les électeurs qui, pour maintenir le barrage, ont permis à vos maigres soutiens de conserver leur siège dans cette chambre. ».

    Le président insoumis de la commission des finances a même proposé sa solution en réclamant la démission du Président de la République, en violation complète avec la Constitution : « Il existe une meilleure solution, qui respecterait le suffrage universel : nommer un gouvernement nouveau front populaire, qui pourrait avantageusement amender le budget de retour le 18 décembre à l’Assemblée. Il pourrait reprendre tous les amendements qui avaient su trouver une majorité ici même ; il lui resterait alors deux semaines pour essayer de faire passer la partie recette avant fin décembre, comme la loi l’y oblige. Mais il semble que le chef de l’État ne veuille toujours pas de cette solution qui contredit les fondements de sa politique au service de la finance. Voilà pourquoi se posera à nouveau et rapidement la question de la sortie de cette impasse. Cette sortie de crise passera par le suffrage populaire. Elle ne pourra attendre juillet et doit concerner le responsable de tout ce chaos, j’ai nommé le Président de la République. Aujourd’hui nous votons la censure de votre gouvernement mais, plus que tout, nous sonnons le glas d’un mandat : celui du Président. Collègues, notre main n’a pas à trembler. Je vous invite à censurer ce gouvernement. En ce jour, ouvrons un avenir, la promesse d’une aube après le crépuscule. ».


    La deuxième oratrice était Marine Le Pen pour défendre sa propre motion de censure (qui n'a finalement pas été mise aux voix, en raison de l'adoption de la première). Les critiques contre le gouvernement ont plu d'une manière tellement excessive que cela en devenait insignifiant : « Monsieur le Premier Ministre, vous avez fait le choix de prolonger l’hiver technocratique dans lequel est plongée la France depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 : déconnexion des attentes démocratiques, verticalité des décisions, refus des consultations et des compromis, non-respect en somme de la volonté du peuple français en matière migratoire, sécuritaire ou fiscale, ou en matière de construction européenne, et cela malgré les résultats sans appel des élections de juin et juillet dernier. ».

    L'ancienne présidente du RN a notamment fustigé les 3 300 milliards d'euros de dette pour charger le Président de la République (sur ce sujet, je reparlerai prochainement de la dette et de son augmentation pas si différente que cela du passé), et en ponctuant : « La facture est invariablement présentée aux Français, sommés d’éponger ces errements. ». Elle a oublié de préciser que si l'État est si endetté, c'est bien parce que l'État dépense beaucoup plus qu'il ne gagne, et à qui cela profite ? À tous les Français. Le vrai scandale, il est générationnel : ce sont les Français du futur qui vont devoir payer le train de vie des Français d'aujourd'hui, mais dès qu'on touche au train de vie d'aujourd'hui, il y a refus et obstruction. Il faudrait être cohérent.


    Pourtant, Marine Le Pen en était consciente : « Depuis cinquante ans, la France a perdu le contrôle de ses finances publiques. Elle s’est rendue prisonnière de ces budgets qui obèrent désormais son avenir, celui de nos enfants et même de nos petits-enfants. Ils n’ont pas seulement découragé le travail mais la création de richesses ; pas seulement la volonté d’entreprendre mais la possibilité de le faire. Ce budget ne s’attaque pas seulement à la France, il prend en otage les Français, singulièrement les plus vulnérables : les retraités modestes, les personnes malades, les travailleurs pauvres, les Français considérés comme "trop riches" pour être aidés, mais pas assez pauvres pour échapper au matraquage fiscal. ».

    Et de poursuivre comme Louis de Funès dans "L'Avare" : « Ces Français qui, tous, se posent une unique question : "Où va l’argent ?" ». Où va l'argent ? Qu'elle était stupide, cette oratrice, de poser cette question alors que les réponses ont fusé dans l'hémicycle. François Cormier-Bouligeon (EPR) : « Et l'argent du Parlement Européen ? ». Erwan Balanant (MoDem) : « Dans les caisses du Rassemblement national ! ». Émilie Bonnivard (LR) : « Aux assistants parlementaires du Rassemblement national ! ». Marie Lebec (EPR) : « Dans vos poches ! ».

    Quant à la démission du Président de la République, l'hypocrisie au comble, Marine Le Pen l'a réclamée sans la réclamer : « Emmanuel Macron s’est attaqué, depuis sept ans, à tous les murs porteurs de l’État et de la nation ; il a terriblement affaibli la fonction présidentielle, clef de voûte de l’édifice institutionnel français. Parce que nos logiques constitutionnelles le commandent, en attendant que le peuple reprenne la parole et la main, c’est au chef de l’État, et à lui seul, qu’il appartiendrait de sortir le pays de cette pathétique ornière. Je le dis ici, j’ai trop de respect pour la fonction suprême, de déférence à l’égard de nos institutions, de révérence vis-à-vis du suffrage universel, pour participer à une quelconque entreprise, même parlementaire, de demande de destitution. Je laisse cela aux "che-guevaristes" de carnaval qui, sans nul doute, se reconnaîtront. C’est à l’intéressé lui-même de conclure, s’il est en mesure de rester ou pas. C’est à sa conscience de lui commander s’il peut sacrifier l’action publique et le sort de la France à son orgueil. C’est à sa raison de déterminer s’il peut ignorer l’évidence d’une défiance populaire massive que je crois définitive. S’il décide de rester, il sera contraint de constater qu’il est le Président d’une République qui n’est plus tout à fait, par sa faute, la Ve. ». C'était n'importe quoi (comme d'habitude) mais il fallait bien parler sur le sujet. Il faudrait juste rappeler à Marine Le Pen qu'elle avait réclamé la dissolution depuis plus d'un an et que c'est ce retour au peuple qui est dans l'essence de la Cinquième République, tandis qu'elle venait d'appeler cela le chaos. Il faudrait savoir.


     

     
     


    Hypocrisie aussi en votant la motion de censure de l'extrême gauche utilisée « comme un simple outil » ! L'ancienne candidat de l'extrême droite a fait aussi un contresens en condamnant le front républicain entre les deux tours des élections législatives : « Contrairement à ce que vous avez fait en juin dernier, nous ne les envisagerons jamais comme des alliés, car les Français n’auront pas oublié pas que, si tant de députés insoumis siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats macronistes et LR. Les Français n’oublieront pas non plus que, si tant de députés macronistes et DR siègent sur ces bancs, c’est grâce au désistement de candidats insoumis. N’est-ce pas, monsieur Wauquiez ? ». Eh non, les électeurs sont plus futés, et s'ils avaient voulu une majorité RN, ils auraient pu l'élire même avec cette configuration du front républicain. Le seul message clair d'ailleurs des électeurs, donné le 7 juillet 2024, c'était justement qu'il ne voulait pas que le RN gouvernât.

    En outre, cela a sans doute surpris Laurent Wauquiez d'avoir été ainsi interpellé et cela a dû le faire réfléchir sur le fait qu'entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, il n'y avait décidément pas photo pour choisir avec qui LR voudrait gouverner.

    Il s'est ainsi permis de lui répondre. En effet, Laurent Wauquiez, en évoquant la « coalition des contraires, celle de l'extrême gauche et de l'extrême droite » qui a fait tomber le premier gouvernement de Georges Pompidou en 1962, a embrayé sur 2024 : « Je me souviens encore des propos que j’entendais sur les bancs de la gauche lorsque j’évoquais cet événement [1962] il y a deux mois : ses députés assuraient qu’ils ne voteraient jamais avec le Rassemblement national. Je me souviens également des propos qui me parvenaient des rangs de votre groupe, madame Le Pen : vos députés affirmaient qu’ils ne voteraient jamais avec la France insoumise. Eh bien, nous y voilà : vous faites semblant de vous injurier les uns les autres, mais vous vous apprêtez à voter les uns avec les autres. Vous vous apprêtez à voter ensemble, pour faire tomber un gouvernement. Est-ce une surprise ? Je ne le crois pas ! ».

    Et de présenter l'enjeu ainsi : « Le choix que nous devons faire, chers collègues, est donc parfaitement clair. D’ailleurs, il n’y a pas trois options possibles, mais seulement deux : l’intérêt du pays ou l’intérêt des partis. Le choix de la responsabilité ou le choix du chaos, le choix de la solution ou le choix du désordre. (…) Est-ce que notre pays peut encore se payer le luxe de semaines d’instabilité gouvernementale, alors que tout est à rebâtir ? Sûrement pas ! Vous avez beau éructer, nous voilà tous face à nos responsabilités. Évidemment, chacun fera son choix en son âme et conscience et ce choix, il faudra le défendre face aux Français. ».


    Juste avant Laurent Wauquiez, le président du groupe socialiste a pris la parole. Boris Vallaud n'a pas manqué de culot en crachant ceci : « Monsieur le Premier Ministre, à aucun moment vous ne nous avez laissés améliorer ce projet, injuste et inefficace, qui fait payer les malades, qui appauvrit les retraités, qui fragilise l’hôpital et qui ne prépare pas le pays aux défis de la société du vieillissement. Vous nous avez empêchés d’aller au bout de l’examen du texte et vous êtes demeuré sourd aux modifications proposées en CMP [commission mixte paritaire]. Or nous n’avons jamais été dans le tout ou rien. À aucun moment, vous êtes entré en dialogue avec l’opposition de la gauche et des écologistes. Vous avez donné suite à aucune de nos propositions, que ce soit à l’occasion du débat parlementaire, que vous avez déserté, à la suite des courriers que nous vous avons adressés, ou encore lors de notre récente entrevue à Matignon, à votre initiative pourtant. ».

    Un peu plus tard, Michel Barnier lui a répondu très vertement en évoquant Georges Pompidou : « En 1962, lui aussi tombait, sous le coup d’une motion de censure. En ce qui me concerne, j’ai toujours admiré cet homme d’État, gardant le souvenir de ce qu’il recommandait dans son livre, "Le Nœud gordien" : il faut, en toutes circonstances, chercher à préserver "la morale de l’action", la morale du collectif. Monsieur le président Vallaud, lorsque, arrivant à l’hôtel Matignon, où je vous avais appelé au lendemain de ma nomination il y a moins de trois mois, vous m’indiquiez, avant que j’aie formé le gouvernement ou présenté son programme, avant même que j’aie ouvert la bouche, que vous voteriez la censure, où est la morale ? Où est l’action ? ».

    Soucieux d'être constructif (ce qui est rare dans cette Assemblée), Boris Vallaud a aussi proposé un pacte de non-censure : « Voilà notre accord de non-censure pour gouverner sans 49-3. Tous les présidents de groupe qui ont bénéficié du front républicain pourraient convenir d’un accord de méthode afin d’y parvenir. C’est une construction politique difficile, certes, mais la seule option raisonnable qui s’offre à nous. Le pouvoir n’est plus à l’Élysée. Il n’est plus à Matignon. Il est à l’Assemblée Nationale. À ceux qui, comme moi, croient au Parlement et qui espèrent un réveil démocratique, à ceux qui rêvent d’une VIe République, la voici ! Oui, nous pouvons changer de budget et de Premier Ministre ; oui, nous pouvons changer la vie. Nous pouvons trouver un chemin pour ce faire. Je crois dans le génie de la démocratie mais elle a besoin de démocrates sincères, de républicains ardents et de parlementaires adultes. ».

    Mais en écoutant mieux l'orateur socialiste, il a précisé quand même un préalable, que ce Premier Ministre soit de gauche, ce qui l'a disqualifié dans la recherche sincère d'une coalition : « Tous préfèrent l’action, même imparfaite, au verbe impuissant ; tous espèrent de la gauche un changement dans leurs vies. Un Premier Ministre de gauche, qui conduirait la politique de la nation, selon la volonté de changement des électeurs nous ayant fait confiance et une Assemblée qui chercherait des compromis et des majorités larges autour de quelques priorités répondant aux attentes urgentes des Français. ».

    Paradoxalement, alors qu'il allait mêler sa voix avec celle du RN pour renverser le gouvernement, Boris Vallaud donnait des leçons de morale à ses collègues du socle commun : «  Chers collègues du bloc central qui vociférez, je le dis avec gravité, cette censure est un appel au sursaut moral. La majorité de compromis que vous avez voulue s’est transformée en un sinistre gouvernement de connivence avec l’extrême droite. Vous la subissez et, désormais, elle vous achève. Pour tout républicain authentique, le prix à payer est devenu beaucoup trop élevé. Le choix qui s’offre à vous est simple. Préférez-vous négocier avec une gauche au pouvoir, que certains jugent imparfaite, mais avec laquelle la plupart d’entre vous partagent l’essentiel des combats républicains ou continuer de courber l’échine aux injonctions de Mme Le Pen ? Préférez-vous la laisse et le bâton du Rassemblement national ou la responsabilité républicaine, au prix de négociations parlementaires exigeantes ? ». La réponse est pourtant simple : tant que le PS est associé aux insoumis, aucun compromis ne sera possible puisque les mélenchonistes sont pour le chaos et la destruction de la République.

    Et oubliant qu'il n'était qu'un instrument de l'extrême droite et de l'extrême gauche, le pauvre dirigeant socialiste répétait comme un mantra : « Cette motion de censure n’est pas un outil de déstabilisation ou de chaos institutionnel. ». Un peu aussi comme dans "Mars Attacks !" de Tim Burton (sorti le 13 décembre 1996), quand un envahisseur lâchait comme un robot "nous venons en paix, nous venons en paix..." !

    Dernier orateur à parler, pour répondre aux précédents, le Premier Ministre Michel Barnier, dont c'était la dernière intervention dans l'hémicycle avant la censure. L'occasion de remercier ceux qui l'ont accompagné pendant ces trois mois au pouvoir : « À chacune et à chacun des députés qui viennent de se lever et aux membres du gouvernement, qui sont presque tous présents, je dois dire que je suis très touché par votre attitude et par votre accueil. (…) C’est aussi l’occasion, peut-être la dernière si tel est le choix de la représentation nationale, de vous remercier, madame la Présidente, pour votre attention et la qualité de notre dialogue durant près de trois mois, ainsi que l’ensemble des services de l’Assemblée Nationale. ».

    Michel Barnier a prophétisé la suite, très lucidement : « Chaque année, les Français vont devoir payer 60 milliards d’euros d’intérêts. C’est plus que le budget de la défense ou de l’enseignement supérieur et ce serait encore davantage demain si nous ne faisions rien. Voilà la réalité. Voilà la réalité, quoi qu’on en dise. Cette vérité, j’ai essayé de l’affronter avec l’ensemble du gouvernement, que je remercie. Ce n’est pas un hasard si le budget que j’ai présenté ne contient quasiment que des mesures difficiles : j’aurais préféré distribuer de l’argent, même si nous ne l’avons pas, pour faciliter la discussion ; mais cette réalité demeure et, écoutez-moi bien !, elle ne disparaîtra pas par l’enchantement d’une motion de censure. Écoutez-moi bien et souvenez-vous-en, dans quelque temps : cette réalité se rappellera à tout gouvernement, quel qu’il soit. ».


    Et d'ajouter en aparté une pique à Marine Le Pen : « En effet, madame Le Pen, il s’agit de notre souveraineté, même si la nature de vos propositions, d’hier et d’aujourd’hui, prouve que nous n’avons pas la même idée de la souveraineté, ni du patriotisme. ».

    L'enjeu que le chef du gouvernement a exposé était le suivant : « Ne nous trompons pas d’enjeu : ce qui se décide en cette fin d’après-midi, ce n’est certainement pas l’issue d’un bras de fer entre l’une ou l’autre des formations politiques et le Premier Ministre, pas plus que le sort du Premier Ministre, je n’ai pas peur, rassurez-vous, monsieur Sansu, j’ai rarement eu peur depuis que je suis engagé en politique, ce qui est en jeu, c’est notre capacité à faire des pas les uns vers les autres, à dépasser les tensions et les clivages qui font tant de mal à notre pays, à n’avoir comme boussole que l’intérêt général. Ce qui devrait nous rassembler, c’est la politique, au sens où je l’entends, qui consiste à créer du progrès collectif, parfois de petits progrès, parfois de grands progrès pour les Français, et de la stabilité. Les citoyens, les entreprises, les acteurs sociaux et économiques en ont tant besoin et si forte envie. ».


    Ses dernières paroles ont été les suivantes : « Mesdames et messieurs les députés, vous voilà rendus à ce moment de vérité. Vous me permettrez, à cet instant, de terminer de façon plus personnelle et de vous dire que je ressens comme un honneur d’avoir été depuis trois mois, et d’être encore, le premier ministre des Français, de tous les Français. Au moment où ma mission prendra fin, peut-être bientôt, je dois dire que cela restera pour moi un honneur d’avoir servi, avec dignité, la France et les Français. ».

    Cela m'a fait évidemment penser à la fin de célèbre tirade de Jean Gabin, lui aussi renversé par une majorité hostile, dans l'excellent film "Le Président" d'Henri Verneuil (sorti le 1er mars 1961). Michel Barnier aura marqué l'histoire... mais certainement pas comme il l'aurait voulu. Par un acte manqué.


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    Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2024)
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    La motion RNFP : Chassez le naturel, il revient au chaos !
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    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.


     

     

     

     

     

     


    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-assemblee-nationale.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-motion-rnfp-chassez-le-naturel-257977

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/04/article-sr-20241204-assemblee-nationale.html


     

     

     

     

     

     

     

  • L'émotion de censure de Michel Barnier

    « Voter la motion de censure aggraverait la crise démocratique. En effet, que vont penser les Français d’une Assemblée Nationale incapable d’adopter une loi de finances et une loi de financement de la sécurité sociale ? Le rejet de la démocratie parlementaire peut déboucher sur un régime autoritaire. Le dernier sondage Ipsos rappelle que seulement 22% des Français font encore confiance aux députés de la nation, quand 63% considèrent le personnel politique comme corrompu, 78% comme non représentatif et 83% comme agissant pour ses intérêts personnels. C’est une catastrophe démocratique. (…) Seul un large rassemblement de l’arc républicain permettrait de gouverner notre pays en évitant les risques liés à des solutions extrêmes. » (Charles de Courson, le 4 décembre 2024 dans l'hémicycle).




     

     
     


    Charles de Courson n'a pas été écouté. Sans surprise. La motion de censure déposée par 185 députés de la nouvelle farce populaire (NFP) le 2 décembre 2024 à la suite de l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution a été adoptée ce mercredi 4 décembre 2024 à 20 heures 26 par 331 députés. Le Premier Ministre Michel Barnier va donc remettre la démission de son gouvernement au Président de la République le 5 décembre 2024 à 10 heures à l'Élysée. Emmanuel Macron s'adressera aux Français le même jour à 20 heures.

    Bien que prévisible depuis trois jours, des députés du socle commun ont tenté d'éviter l'inéluctable en pensant pouvoir faire changer d'avis certains députés socialistes. C'était peine perdue : avec 331 voix, la motion de censure a très largement dépassé le seuil pour être adoptée, à savoir 288 (il y a deux sièges vacants actuellement).


    Non seulement la gauche a suivi les insoumis dans leur excitation politicienne (71 FI sur 71, 65 PS sur 66, 38 EELV sur 38, 16 PCF sur 17), mais le RN et ses alliés ont rejoint l'extrême gauche dans leur désir de désordre institutionnel (123 RN sur 124, 16 ciottistes sur 16) ainsi que 1 député LIOT sur 23 et 1 non-inscrit. Il faut bien intégrer que parmi les votants de cette motion de censure contre Michel Barnier, il y a un ancien ami politique de Michel Barnier, Éric Ciotti, et aussi un ancien Président de la République François Hollande, censé en principe assurer la stabilité des institutions et pour qui les responsabilités sont un trop vieux souvenir.

     

     
     


    Comment en est-on arrivé là ? Simplement par la collusion des irresponsables et une sorte de machiavélique complémentarité du cynisme avec l'irresponsabilité. On n'a que la classe politique qu'on mérite et c'est bien le peuple qui a élu les 577 députés de l'actuelle législature.

    Évidemment, j'éprouve de la tristesse ce soir, non pas pour Michel Barnier qui avait été à Matignon comme une sorte de divine surprise qui a ponctué sa très longue carrière politique qu'il croyait déjà achevée, mais pour la France, et les Français. La France est un merveilleux pays avec des Français capables d'excellence et d'organisation, et on peut le dire très clairement en 2024 avec l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, et aussi la restauration de Notre-Dame de Paris en cinq ans, saluée par une très grande cérémonie ce samedi 7 décembre 2024, et en même temps, capables d'anachronismes idéologiques, d'auto-dénigrement et de manque de confiance en eux ; les Français font tout pour se mettre des bâtons dans les roues... au grand plaisir de tous ceux qui ne nous veulent pas que du bien.


     

     
     


    Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, l'une de façon un peu moins véhémente que l'autre, réclament aujourd'hui la démission d'Emmanuel Macron pourtant élu par le peuple, qu'ils disent tant adorer, pour cinq ans. Depuis juillet 2024, Emmanuel Macron ne s'est pas adressé aux Français et a laissé le gouvernement agir à sa guise, mais ce silence médiatique n'a pas suffi à redorer son blason dans les sondages. Il devra trouver les mots pour convaincre un peuple en déshérence et surtout inquiet, inquiet pour lui mais aussi pour son pays dans un contexte international particulièrement en crise.

     

     
     


    Michel Barnier a vécu sa dernière journée de Premier Ministre avec un certain panache, et il a fait honneur à la France et à son histoire. Hélas pour lui, il n'aura rien marqué dans l'histoire de son pays comme Premier Ministre, sinon d'avoir été le plus bref chef d'un gouvernement de la Cinquième République, avec seulement trois mois d'exercice.

    C'est plutôt le fait d'avoir été renversé par une motion de censure qui est historique. On parle de la seconde motion de censure adoptée sous la Cinquième République, la première ayant été adoptée le 5 octobre 1962 contre le premier gouvernement de Georges Pompidou à la suite de la décision de De Gaulle de proposer aux Français d'élire leur Président de la République au suffrage universel direct. Georges Pompidou a été victime d'une conjonction des non, en clair, du syndicat des anciens de la Quatrième République et des proches de l'OAS.

    À la différence de Michel Barnier, le cas de Georges Pompidou s'est relativement bien passé : De Gaulle a dissous l'Assemblée, les députés gaullistes étaient persuadés avoir perdu la bataille mais une majorité gaulliste (la première en majorité absolue avec les alliés indépendants) a été élue et Georges Pompidou a été confirmé et a été d'ailleurs le Premier Ministre le plus long de l'histoire républicaine (plus de six ans !).

     

     
     


    Ce 4 décembre 2024, la situation est complètement différente : le Président de la République a déjà dissous l'Assemblée le 9 juin 2024 et ne pourra pas dissoudre avant le 9 juin 2025, c'est-à-dire dans au moins six mois. Comme en 1962, il n'y a pas de majorité mais cette non-majorité va perdurer encore au moins six mois (que le Président de la République démissionne ou pas, insistons sur ce point).

    Le cynisme, c'est Marine Le Pen et ses sbires de l'extrême droite qui votent une motion qui dit explicitement : « Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier Ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration, qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique. ». Maso les députés RN ? Non, simplement cyniques : ils n'ont jamais voulu le bien commun, ils n'ont jamais voulu l'intérêt général. Quelles que fussent les concessions du gouvernement Barnier, le RN l'aurait censuré parce que c'est le caprice de la diva qui n'a pas trouvé d'autres réactions pour réagir à sa probable condamnation le 31 mars 2025.

    Le cynisme, c'est bien entendu le PS et en premier lieu François Hollande qui a totalement oublié l'intérêt général. J'ai au moins la fierté de n'avoir jamais voté pour cet homme mou et soumis (électoralement) aux insoumis, ce qui me permet de me regarder dans une glace sans jamais avoir honte de mes choix dans l'isoloir. Le cynisme, c'est aussi celui de Boris Vallaud qui a le toupet de dire que le gouvernement Barnier n'a pas tenté de discuter avec le PS alors qu'il avait lui-même refusé toute rencontre et annoncé le dépôt d'une motion de censure avant même que Michel Barnier n'ait ouvert sa bouche et même n'ait nommé son gouvernement !


    Voici ce que disait le sénateur Claude Malhuret, toujours pertinent, heureusement lucide et réaliste, le 3 décembre 2024, à l'approche de l'adoption de la motion de censure : « Après avoir voté pendant un mois, souvent ensemble, des mesures irresponsables qui menaient le pays à un budget de faillite, l'extrême gauche et l'extrême droite ont décidé, en alliant leurs voix sur une motion de censure, d'engager la France dans une aventure sans issue. Ils prétendent que ce vote est une simple péripétie, qu'il n'aura pas de graves conséquences. Ils mentent. Et ils savent qu'ils mentent. Il vont plonger le pays dans l'inconnu, sans budget, sans gouvernement et sans majorité. Les premières victimes seront les classes populaires et les classes moyennes qu'ils prétendent défendre, tout comme les entreprises fragiles, les agriculteurs, les retraités. 400 000 foyers nouveaux paieront l'impôt sur le revenu, 17 millions d'autres verront celui qu'ils paient déjà augmenter. La hausse des taux d'intérêt rendra insoutenable la dette de l'État et plombera tous les acteurs économiques. Les investisseurs qui avaient retrouvé confiance en la France repartiront. De la part de la France insoumise, rien d'étonnant. Leur but depuis toujours est la chute du régime et de la démocratie. Cette motion de censure n'est que la suite logique de la bordélisation de l'Assemblée Nationale et du discrédit du Parlement qu'ils organisent depuis des années. Pour le Rassemblement national, la farce de la dédiabolisation et des députés cravatés vient d'exploser en plein vol. Ils sont prêts à mettre le chaos dans le pays pour détourner l'attention de leurs turpitudes financières pour lesquelles leur patronne est menacée d'inéligibilité devant un tribunal. Il faut qu'ils n'aient aucune dignité pour s'apprêter à voter une motion de censure dont le texte les insulte copieusement. Que les populistes mêlent leurs voix une fois de plus n'est pas une surprise. Ils sont d'accord sur tellement de choses : la haine de l'Europe, de l'OTAN, de la démocratie, l'anti-américanisme, le soutien à tous les dictateurs et, chez nous, l'obsession de saborder la Cinquième République et toutes ses institutions et tous ses dirigeants. La surprise, et même l'effarement, est de voir un parti jusqu'alors respectable qui comptait dans ses rangs un ancien Président de la République se prêter à ce scénario délétère. Depuis 2022, le PS n'est que l'ombre de lui-même. Pour le plat de lentilles de quelques circonscriptions, il a vendu son âme à une secte gauchiste qui a sombré depuis les massacres du 7 octobre dans l'antisémitisme et le soutien aux islamistes. Ses dirigeants s'apprêtent, contre l'avis d'une bonne partie de leurs adhérents, à plonger le pays dans une crise qui fera le malheur de tous les Français et le bonheur de deux factions populistes qui les détestent. Il ne leur reste que quelques heures pour se raviser et ne pas mêler leurs voix à une manœuvre dont les conséquences laisseront une tache sur leur écharpe tricolore. Chacun va devoir prendre ses responsabilités. Pour ma part, ma conviction est claire : dans la période de grande incertitude où nous vivons, entourés de dictateurs dans le monde, de régimes illibéraux en Europe et de l'imprévisibilité de l'Amérique, la France a besoin de stabilité et d'apaisement. La question qui se pose aujourd'hui à l'ensemble des responsables politiques est simple : choisir entre les calculs de boutiquiers et l'intérêt général. ».

     

     
     


    Je reviendrai plus longuement sur cette journée qui restera dans les annales de la République comme une journée noire. Les responsables du socle commun n'ont pas non plus beaucoup soutenu le gouvernement Barnier dans les médias ces derniers jours et c'est aussi ce manque d'enthousiasme et cette focalisation vers la cohésion interne qui ont empêché Michel Barnier de prendre en compte les propositions de l'ensemble des députés.

    Inutile d'énumérer les noms qui circulent pour les potentiels successeurs de Michel Barnier : le choix du Président de la République, qui devra être rapide, sera entre reprendre un socle commun bloc central et LR et aller vers la gauche. Dans le premier cas, le RN resterait toujours en position de maître-chanteur et les mêmes causes faisant les mêmes effets, il y aurait un grand risque qu'une motion de censure soit adoptée dans les semaines qui suivent la nomination du nouveau gouvernement. Dans le second cas, il y aurait quand même un préalable qui paralyse actuellement tout : il faut que le PS ait le courage de quitter cette alliance insensée avec les insoumis qui eux ne veulent pas du tout la responsabilité, mais détruire nos institutions et notre république, au prix d'une paix civil et même civilisationnelle.

    Merci à Michel Barnier, la République vous salue, mais nul n'est tenu à être un super-héros dans ce microcosme de voyous et de menteurs. On parlera de l'expérience Barnier, à défaut d'autre chose. Restera une citation proposée par le Premier Ministre avant de quitter les lieux, elle est de Saint-Exupéry : « Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable. Chacun est seul responsable de tous. ». À méditer.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (04 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    L'émotion de censure de Michel Barnier.
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.

     

     
     



    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241204-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-emotion-de-censure-de-michel-257975

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/04/article-sr-20241204-censure.html





     

  • La collusion des irresponsables

    « Nous avons rectifié un budget qui était sans doute déséquilibré et rigide au départ de manière à en faire un budget de consensus, plus protecteur. (…) La voie du compromis a permis d’obtenir des garanties et des équilibres justes pour les Français. Mais une alliance des extrêmes, à l’idéologie faite de bric et de broc, s’est constituée pour faire voler en éclat l’édifice du Parlement. C’est cette même alliance qui a fait adopter des dizaines de milliards d’impôts et de taxes supplémentaires il y a quelques jours. Il faut dire la vérité aux Français sur le projet de chaos et de discorde du Rassemblement national, poussé par les insoumis. Priver les Français d’un budget de la sécurité sociale, c’est ne laisser à l’URSSAF que quelques semaines de trésorerie pour payer les retraites, rembourser les soins et financer les hôpitaux. Qui veut que les cartes vitales cessent de fonctionner en mars ? (…) J’en appelle donc à la responsabilité du Parlement, en particulier à celle de la coalition entre LFI et le RN. Cette alliance contre-nature est en réalité une alliance contre les Français ! » (Yannick Neuder, le 2 décembre 2024 dans l'hémicycle).



     

     
     


    Le député LR Yannick Neuder avait raison lorsqu'il a s'est exprimé au début de la séance publique de ce lundi 2 décembre 2024 à l'Assemblée Nationale. Il est le rapporteur de la commission mixte paritaire (CMP) pour aborder le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 en seconde lecture. Il exprimait l'idée générale d'une coalition des contraires.

    L'ancien ministre Frédéric Valletoux (Horizons), président de la commission mixte paritaire, qui l'a suivi dans la discussion, a déclaré la même chose : « Je sais la tentation pour le nouveau front populaire et le Rassemblement national de s’unir, de mêler leurs voix pour adopter une motion de censure et renverser le gouvernement. (…) Pour les extrêmes de droite et de gauche, l’heure est à la distraction et à la complaisance, nous l’avons bien compris. Mais la démocratie exige des compromis et le mandat qui est le vôtre impose un texte de responsabilité. C’est le service de la protection sociale, qui protège tous les Français, qui est en jeu. J’ai aussi bien conscience des enjeux de politique calendaire qui sont les vôtres. Mais, avant de penser à 2027 et à la prochaine élection présidentielle, il faut penser au présent en assurant la stabilité fiscale, économique et institutionnelle de notre pays, et en garantissant aux Français le niveau de protection sociale qui leur est dû. ».

     

     
     


    Après une première suspension de séance, le Premier Ministre Michel Barnier a pris la parole avec gravité : «  Dans ma déclaration de politique générale, il y a tout juste deux mois, je vous ai exposé ma méthode, faite d’écoute, de respect et de dialogue, en premier lieu vis-à-vis du Parlement et de tous les groupes politiques qui le constituent. Je vous ai également répété que je tiendrais un langage de vérité sur les très nombreuses contraintes qui pèsent sur notre pays et sur les efforts qu’elles nous imposent. (…) Pour cela, j’ai été au bout du dialogue avec l’ensemble des groupes politiques, en restant toujours ouvert et à l’écoute. Depuis le premier jour de mon engagement politique, je respecte profondément le débat et la culture du compromis ; je les crois indispensables. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale en a d’ailleurs prouvé l’utilité. Les très nombreuses heures de travail parlementaire ont permis d’enrichir le texte du gouvernement et ont conduit à un accord en CMP, pour la première fois depuis quatorze ans. ».

     

     
     


    Et d'annoncer l'utilisation de l'article 49 alinéa 3 à 15 heures 42 : « Ce texte est là, et il est maintenant temps d’agir pour l’appliquer. Je crois que nous sommes parvenus à un moment de vérité, qui met chacun face à ses responsabilités. C’est maintenant à vous de décider si notre pays se dote de textes financiers responsables, indispensables et utiles à nos concitoyens, ou si nous entrons en territoire inconnu. Je m’adresse à vous avec respect, mais aussi avec une certitude : les Français ne nous pardonneraient pas de préférer les intérêts particuliers à l’avenir de la nation. Je le pense sincèrement. Vous l’entendez dans chacune de vos circonscriptions : les Français attendent de la stabilité et de la visibilité, pour leur vie quotidienne et les entreprises, alors que notre pays a tant à faire pour défendre ses intérêts et son influence en Europe et dans le monde. Je sais de quoi je parle. C’est pourquoi, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, j’engage la responsabilité du gouvernement, de mon gouvernement sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025, dans sa version résultant des travaux de la commission mixte paritaire et modifié par les amendements rédactionnels et de coordination déposés. Je le fais en appelant à la responsabilité de chacun des représentants de la nation que vous êtes, quand bien même certains d’entre vous quittent l’hémicycle, persuadé que notre mission commune, au-delà de nos divergences, est de servir la France et les Français. Désormais, chacun doit prendre ses responsabilités. J’ai pris les miennes. ».
     

     
     


    À l'évidence, il était impossible de trouver un compromis tant avec les excités de la nouvelle farce populaire (NFP) qu'avec le RN et ses alliés. Le NFP en est encore aujourd'hui à la fable urbaine de sa victoire le 7 juillet 2024 et de Lucie Castets Première Ministre, alors qu'il a été incapable de faire élire son candidat au perchoir et incapable aussi de faire adopter sa version du projet de loi de finances qui a été rejetée en première lecture. La raison a quitté cet hémicycle depuis longtemps. Les historiens auront fort à faire pour comprendre puis expliquer aux générations futures cette actualité affligeante d'irresponsabilité.

     

     
     


    Quant au RN, Marine Le Pen a montré qu'elle ne voulait pas conclure. Michel Barnier, dans sa grande bienveillance, avait reculé sur trois des quatre lignes rouges de la probablement future reprise de justice. Si elle voulait négocier, elle aurait, elle aussi, fait un pas vers le gouvernement. Au lieu de quoi, elle préfère mettre à la poubelle le budget 2025, ce qui signifie que plusieurs millions de Français paieront plus cher l'impôt sur le revenu, dont un peu moins de 400 000 qui n'auraient pas dû en payer du tout mais qui en paieront quand même, car le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une indexation des seuils avec l'inflation. Or, l'échec du texte (il y a deux textes : le projet de loi de finances PLF et le projet de loi de financement de la sécurité sociale PLFSS et si le gouvernement tombe par le 49 alinéa 3, les deux projets de loi tombent aussi), c'est reprendre le budget 2024, soit 3 milliards d'euros de plus en impôt sur le revenu rien que par les effets de seuil découplés de l'inflation. De même, l'engagement de l'État à créer de nouvelles brigades de gendarmerie sera annulé par le vote de la motion de censure.

     

     
     


    Certains commentateurs essaient d'imaginer les intérêts ou pas du RN ou de FI pour une telle censure, ces deux partis complètement obsédés par la prochaine élection présidentielle. Mais le simple fait de parler d'intérêts partisans ou personnels est un scandale, un responsable politique, un élu, doit avant tout s'occuper de l'intérêt général et ne pas mettre un pays en crise, en péril pour d'obscurs raisons de rancune ou de susceptibilité personnelle. De toute façon, les Français, qui ont toujours du bon sens, sauront rapidement qui les défend réellement et qui se moque d'eux.
     

     
     


    Quant aux supputations de démission du Président de la République, Emmanuel Macron, en visite d'État en Arabie Saoudite du 2 au 4 décembre 2024, a déclaré bien clairement le 3 décembre à Riyad devant des journalistes français : « Je serai Président jusqu'à la dernière seconde. Si je suis devant vous, c'est parce que j'ai été élu à deux reprises par le peuple français. J’en suis extrêmement fier et j’honorerai cette confiance avec toute l’énergie qui est la mienne jusqu’à la dernière seconde pour être utile au pays. ». Heureusement qu'il est là pour assurer encore une stabilité institutionnelle. Ces populistes extrémistes veulent saccager la France et détruire toutes ses institutions.

    La conférence des présidents de l'Assemblée réunie ce mardi 3 décembre 2024 a décidé que c'est le mercredi 4 décembre 2024 à 16 heures que seront débattues (en même temps) les deux motions de censure déposées le lundi 2 décembre.

     

     
     


    La première (déposée le 2 décembre à 16 heures 35) a été signée par 185 députés du NFP (il en manque 8 à l'appel dont Sophie Pantel, députée PS de Lozère, qui a annoncé : « Je ne voterai pas cette motion de censure ! »), elle sera défendue par Éric Coquerel, et dans sa présentation, elle est particulièrement offensive contre le RN : « Alors qu’une large majorité de nos concitoyennes et concitoyens a fait le choix du barrage à l’extrême droite lors des élections législatives, le Premier Ministre a cédé à leurs plus viles obsessions, avec une nouvelle loi immigration, qui poursuivrait la faillite morale et politique de l’année dernière et une remise en cause de l’Aide Médicale d’État, qui apporte humanité et dignité à ceux qui foulent notre sol et est une mesure essentielle pour tous de santé publique. L’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution est le résultat du choix d’Emmanuel Macron de désigner un Premier Ministre ne détenant qu’un très faible soutien dans l’hémicycle et dans le pays et qui ne cherche à se maintenir, au-delà de ses divisions, que par la recherche d’un accord désormais clair avec le Rassemblement national. ».

    Malgré ce texte très dur contre le RN, le RN a déjà annoncé qu'il voterait volontiers pour cette motion de censure. Cela ne gêne pas le PS et en particulier François Hollande, l'un des signataires furieux de cette motion, de voter la censure en mélangeant sa voix avec celles du RN. Cela ne gêne pas François Hollande se s'être soumis à son pire adversaire Jean-Luc Mélenchon pour se faire élire dans sa circonscription corrézienne où il n'a même pas obtenu 50% au second tour. Et où se trouve Raphaël Glucksmann, le donneur de leçons de morale, qu'on n'entend pas en cette période de grave crise politique ?

    Sur BFMTV, l'éditorialiste Bruno Jeudy a affirmé : « Il faut le rappeler aux téléspectateurs : si le PS ne votait pas la censure (avec les 60 députés socialistes), eh bien le gouvernement Barnier ne tomberait pas ! ». Pourquoi le PS ne veut-il pas négocier avec le gouvernement en monnayant sa non-censure, sinon par irresponsabilité dans une Assemblée sans majorité ?


    À chacun de prendre ses responsabilités. On savait que les insoumis n'avaient aucune once de responsabilité et que leur but, dans une stratégie du chaos, est de faire une révolution ouverte pour mettre leur guide à vie à la tête d'une république rougeoyante. Mais les socialistes viennent eux d'un parti qui se disait de gouvernement et qui a encore récemment (il y a sept ans et demi) gouverné la France. Comment peuvent-ils faire la politique du pire.
     

     
     


    Pourquoi le RN voterait-il la motion des insoumis (particulièrement anti-RN) alors qu'il a déposé sa propre motion de censure ? En effet, la seconde motion de censure (déposée le 2 décembre à 17 heures 30) a été signée par 140 députés du RN et de ses alliés ciottistes. Dans ce texte, le RN aurait voulu que le gouvernement Barnier appliquât le programme du RN, mais il n'est pas au pouvoir car il n'est pas majoritaire. Le RN a réaffirmé vouloir « dégraisser l'État » et « engager une débureaucratisation massive ».

    Dans ce texte, il y a beaucoup de formules creuses qui ne veulent rien dire concrètement : « rendre du pouvoir d'achat aux Français », « défendre les entrepreneurs et la valeur travail », « lutter contre la fraude », « stopper les dépenses contraires à la volonté populaire », et en même temps, il y a des propositions qui vont totalement à l'encontre de la volonté populaire comme faire un Frexit financier en ne contribuant plus financièrement à l'Union Européenne.


    En fait, lorsqu'on lit attentivement ce texte, on se dit que Michel Barnier a eu bien tort d'essayer de négocier avec le RN : Marine Le Pen avait décidé depuis le début de voter la motion de censure, parce qu'elle se sent cernée avec sa probable future condamnation judiciaire et qu'elle est aux abois. En montrant son pouvoir de dislocation du gouvernement, elle montre ainsi sa capacité à faire pire. Puissance de nuisance à défaut d'être constructif pour le pays.
     

     
     


    C'est un sabordage du RN qui perd définitivement sa crédibilité pour gouverner. Presque quatorze années d'effort réduites à néant par un procès qui va faire exploser l'avenir présidentiel de la fille de Jean-Marie Le Pen. C'est vrai, il y a de quoi enrager, d'autant plus que la relève est déjà assurée par Jordan Bardella qui ne voulait plus de candidat RN aux prochaines élections avec un casier judiciaire non vierge !

    Ajouté à cela, même si c'est très anecdotique, insistons sur le fait que l'ancien président de LR Éric Ciotti fait partie des signataires de cette motion de censure, c'est-à-dire qu'il va censurer Michel Barnier avec qui il était en compétition pour la primaire LR de décembre 2021, il n'y a pas si longtemps (trois ans). En se mettant en une opposition totale contre les députés de son ancien parti LR, Éric Ciotti montre qu'il n'a fait que retourner sa veste, qu'il s'est définitivement vendu au RN, au point de vouloir renverser le gouvernement de la République en mélangeant sa voix avec celle de François Hollande et surtout celles des mélenchonistes et des communistes. À l'évidence, les historiens auront beaucoup de travail dans les années et décennies à venir pour expliquer cette période à leurs étudiants.


     

     
     


    Le pire, dans tout cela, c'est que les députés qui s'apprêtent à voter la censure n'ont aucune solution de rechange à proposer à la France avec la configuration tripartite de l'Assemblée actuelle qui restera encore au moins six mois, quoi qu'il se passe. Cette collusion des contraires ne peut que détruire les projets mais en aucun cas construire une proposition nouvelle, de gouvernement ou même de budget.

     

     
     


    Reprenant la parole ce mardi 3 décembre 2024 à l'occasion d'une question au gouvernement du président du groupe communiste André Chassaigne sur la situation politique, le Premier Ministre a insisté sur la gravité et les conséquences de l'adoption d'une motion de censure : « Sur le fond, tout le monde sait que la situation est difficile. D’abord, elle l’est sur le plan budgétaire, je l’ai dit dès le début en cherchant à montrer la vérité aux Français : la situation est plus grave qu’on ne l’a cru, avec une dette que tout le monde devra payer un jour. Ensuite, elle l’est sur le plan économique et social. Tout à l’heure, l’un de vos collègues parlait de la Chapelle Darblay et d’ArcelorMittal et je m’attendais à une question sur Michelin. Je suis cela très attentivement avec le ministre de l’industrie, le ministre de l’économie et des finances, ainsi que le ministre du travail. Tous les jours, nous veillons à apporter notre soutien aux salariés et aux territoires qui sont touchés. Enfin, la situation est difficile sur le plan financier. Je suis avec une grande vigilance les marchés financiers, que je connais assez bien. ».

    Et il a conclu en guise de prophétie : « Il y a une chose dont je suis sûr, retenez bien ce que je vous dis aujourd’hui : la censure dont il est question pour demain rendra tout plus difficile et plus grave. ». Honte aux députés irresponsables qui vont coûter très cher à la France et aux Français. Ceux-ci se rappelleront le moment venu quelles sont les irresponsables qui auront fait plonger la France dans un cycle économique et financier désastreux avec une surenchère des intérêts de la dette et un hausse des plans sociaux. L'histoire a toujours jugé sévèrement les irresponsables, soit par volonté, soit, comme pour les socialistes, par soumission, mollesse et inconséquence. Dans tous les cas, ce seront les Français qui trinqueront.


    Aussi sur le blog.

    Sylvain Rakotoarison (03 décembre 2024)
    http://www.rakotoarison.eu


    Pour aller plus loin :
    La collusion des irresponsables.
    Gouvernement Barnier : les yeux du monde rivés sur la France.
    Risque de censure : Non, le RN n'est pas l'arbitre des élégances !
    Michel Barnier plaide pour la sobriété normative et procédurale !
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 21 novembre 2024 à la Porte de Versailles (vidéo et texte intégral).
    Michel Barnier sur les pas de Pierre Mendès France.
    Discours du Premier Ministre Michel Barnier le 15 novembre 2024 à Angers (vidéo et texte intégral).
    PLF 2025 : la majorité de rejet !
    Michel Barnier : déjà deux mois !
    François Guizot à Matignon ?
    5 euros pour visiter Notre-Dame de Paris ?
    Achats dans la fonction publique : des économies à faire ?
    Doliprane : l'impéritie politique.
    Proche-Orient : l'incompréhension de Roger Karoutchi.
    Motion de censure : le quart d'heure de gloire d'Olivier Faure.
    Budget 2025 : l'impossible mission de Michel Barnier.
    Claude Malhuret : du vol des élections aux chefs d'escadrille...
    Les 3 lignes rouges de Marine Le Pen pour ne pas censurer le gouvernement Barnier.
    La quadrature du cercle de Michel Barnier.
     

     
     




    https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20241202-motion-de-censure.html

    https://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/la-collusion-des-irresponsables-257958

    http://rakotoarison.hautetfort.com/archive/2024/12/03/article-sr-20241202-motion-de-censure.html